Pandémies et biodiversité

Les scientifiques de l'IPBES (le GIEC de la biodiversité) identifient un lien très net entre la multiplication des pandémies et l'impact des activités humaines sur la biodiversité. Ils suggèrent d'engager des changements profonds dans nos modèles économiques et sociaux pour limiter ces risques.

L’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, le « GIEC de la biodiversité ») a publié un rapport d’experts le 29 octobre 2020 faisant le lien entre les pandémies et la destruction de la biodiversité.

Le Covid-19 est une zoonose (une maladie issue des animaux). Elle a pour origine un réservoir naturel de virus, probablement (mais ce n’est pas totalement prouvé) des chauves-souris. L’IPBES estime que l’actuel coronavirus est la sixième grande épidémie mondiale depuis la grippe espagnole de 1918.

Le rapport de l’IPBES conclut clairement que toutes les grandes épidémies (sida, Ebola, SRAS) sont des zoonoses.

Lien entre les pandémies et l'impact des activités humaines sur la biodiversité

Le lien entre les pathogènes présents dans la nature et l’activité humaine est bien établi. Dans 70% des cas, l’origine animale soit sauvage, soit domestique est avérée comme le révélait une étude de l’université de Californie d’avril 2020 ou bien encore une revue de la connaissance scientifique publiée par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

Les chercheurs estiment que 1,7 million de virus inconnus sont les hôtes de mammifères et d’oiseaux. Entre 540 000 et 850 000 d’entre eux sont potentiellement dangereux pour l’Homme. Les mammifères (chauves-souris, rongeurs, grands singes) sont les « réservoirs » principaux devant les oiseaux principalement aquatiques (canards, oies) et les animaux domestiques comme les porcs, les chameaux (SRAS-MERS) et les volailles.

Selon le Dr. Peter Daszak, président de EcoHealth Alliance et de l’atelier d’IPBES, « Il n’y a pas de grand mystère sur la cause de la pandémie de COVID-19, ou de toute autre pandémie moderne. (…) Ce sont les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique, de la perte de biodiversité et, de par leurs impacts sur notre environnement, du risque de pandémie. Les changements dans la manière dont nous utilisons les terres, l’expansion et l’intensification de l’agriculture, ainsi que le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les êtres humains. C’est un chemin qui conduit droit aux pandémies. »

Le coût de la COVID-19 au niveau mondial a été estimé entre 8,000 et 16,000 milliards de dollars jusqu’à juillet 2020 seulement, et les coûts aux États-Unis seulement pourraient atteindre 16,000 milliards de dollars d’ici le quatrième trimestre de 2021. Les experts estiment que le coût de la prévention et de la réduction des risques de pandémies est 100 fois moins élevé que le coût de la réponse à ces pandémies, ce qui « fournit des arguments économiques forts pour un changement transformateur ».

Axes de solutions

Le risque de pandémie peut être considérablement réduit en diminuant les activités humaines entraînant la perte de biodiversité, par une plus grande conservation des zones protégées et par des mesures réduisant l’exploitation non durable dans les régions riches en biodiversité. Cela permettra de réduire les contacts entre les animaux sauvages, le bétail et les êtres humains, et aidera à prévenir la propagation de nouvelles maladies, indique le rapport.

Selon le Dr. Daszak, « Nous avons la capacité croissante de prévenir les pandémies, mais la manière dont nous les abordons actuellement ignore largement cette capacité. Notre approche actuelle des pandémies stagne et consiste encore à essayer de contenir et de contrôler les maladies après qu’elles sont apparues, par le biais de vaccins et de thérapies. Pour nous échapper de l’ère des pandémies, nous devons, en plus de la réaction, nous concentrer sur la prévention. »

« Le fait que l’activité humaine ait pu modifier aussi fondamentalement notre environnement naturel ne doit pas nécessairement être vu comme négatif, mais prouve, au contraire, notre capacité à opérer les changements nécessaires pour réduire le risque de futures pandémies, tout en protégeant la nature et en réduisant les changements climatiques. »

Selon le rapport, réagir aux maladies exclusivement après leur apparition, par des mesures de santé publique et des solutions technologiques, et en particulier par la conception et la distribution rapides de nouveaux vaccins et de nouvelles thérapies, constitue « un chemin lent et incertain », jalonné de souffrances humaines et coûtant des dizaines de milliards de dollars chaque année.

Le rapport propose également un certain nombre d’options politiques qui permettraient de faire face et de réduire le risque de pandémie. En voici quelques-unes :

  • Un Conseil intergouvernemental de haut niveau sur la prévention des pandémies pourrait être créé afin de fournir aux décideurs les meilleures données scientifiques sur les maladies émergentes ; de prévoir les zones à haut risque ; et d’évaluer l’impact économique des pandémies potentielles et de mettre en évidence les lacunes en matière de recherche. Un tel conseil pourrait également coordonner la conception d’un cadre mondial de suivi.
  • Les pays pourraient se fixer des objectifs dans le cadre d’un accord ou d’une entente internationale, avec des avantages évidents pour les êtres humains, les animaux et l’environnement.
  • L’approche « Une seule santé » pourrait être institutionalisée par les Gouvernements nationaux afin de renforcer la préparation aux pandémies, d’améliorer les programmes de prévention des pandémies et d’enquêter sur les épidémies et de les contrôler dans tous les secteurs.
  • Des évaluations de l’impact sur la santé des risques de pandémies et de maladies émergentes pourraient être développées et intégrées dans les grands projets de développement et d’aménagement du territoire, tout en réformant l’aide financière à l’aménagement du territoire afin que les avantages et les risques pour la biodiversité et la santé soient reconnus et explicitement ciblés.
  • Le coût économique des pandémies devrait être pris en compte dans la consommation, la production et les politiques et budgets gouvernementaux.
  • Une réduction des formes de consommation, d’expansion agricole mondialisée et de commerce qui ont conduit à des pandémies devrait être rendue possible, par exemple au travers de taxes ou d’impôts sur la consommation de viande, la production de bétail et d’autres d’activités à haut risque de pandémie.
  • Les risques de zoonoses dans le commerce international d’animaux sauvages pourraient être réduits grâce à un nouveau partenariat intergouvernemental « santé et commerce » ; les espèces à haut risque de maladie devraient être retirées partiellement ou totalement du commerce des espèces sauvages ; l’application de la loi dans tous les aspects du commerce illégal d’animaux sauvages devrait être renforcée et l’éducation des communautés sur les risques sanitaires du commerce d’animaux sauvages devrait être améliorée, particulièrement dans les zones à haut risque de propagation de maladies.
  • L’engagement et les connaissances des populations autochtones et des communautés locales dans les programmes de prévention des pandémies devraient être valorisés afin d’atteindre une plus grande sécurité alimentaire et de réduire la consommation d’animaux sauvages.
  • D’importantes lacunes dans les connaissances seraient à combler au sujet des principaux comportements à risque, de l’importance relative dans le risque de maladie du commerce illégal, non réglementé et légal d’animaux sauvages, et de la relation entre la dégradation et la restauration des écosystèmes, la structure des paysages et le risque d’émergence de maladies.

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