Mobilité / transports

Le secteur des transports est le seul secteur en France dont les émissions de GES ont augmenté depuis les années 1990, et constitue le premier secteur émetteur sur le territoire français. La transition énergétique dans le secteur des transports passe par trois axes : réorganiser l’espace pour limiter l’étalement urbain et les besoins en déplacements, dont découle le choix du mode de transport, se passer au plus tôt des véhicules consommant des énergies fossiles et améliorer la performance énergétique des véhicules pour réduire la consommation de carburant, et faire évoluer les pratiques et les comportements vers les modes de transports les plus écologiques.
NB : La fiche présentée ci-dessous est principalement issue du rapport annuel 2020 du Haut Conseil pour le Climat (HCC).

Impacts économiques et sociaux

Le secteur des transports est le seul secteur en France dont les émissions de GES ont augmenté depuis les années 1990, et constitue le premier secteur émetteur sur le territoire français. Sur la période 1990-2019, les émissions nationales de GES liées au transport ont augmenté de 9% tandis que celles des autres secteurs diminuaient de 28%. La part des transports dans les émissions nationales s’est accrue, passant de 22,7% en 1990 à 30,6% en 2018.

Cette dynamique, contraire aux objectifs climatiques, se retrouve dans la plupart des pays européens. Le secteur des transports n’a pas respecté le premier budget carbone prévu dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) sur la période 2015-2018 (dépassement de 41 Mt éqCO2, soit environ 8,1%). Si la tendance d’évolution des émissions antérieure à la crise sanitaire se poursuit, le respect du prochain budget carbone parait également compromis.

Les émissions du transport proviennent essentiellement du secteur routier qui représentaient 94% des émissions du secteur en 2019. Plus précisément, 51% des émissions sont dues aux véhicules particuliers au diesel et à essence, 22% aux poids lourds (diesel), et 19% aux véhicules utilitaires légers (majoritairement diesel).

Les gains d’efficacité des véhicules ou de contenu carbone de l’énergie finale (agrocarburants +7% et électrification +0,4% de l’énergie finale des transports) n’ont pas compensé la croissance de la demande et la baisse du taux d’occupation des véhicules.

En dehors de 1995-2010 où la part modale du rail a cru de trois points pour les voyageurs, les reports modaux observés ont été en faveur des modes fortement carbonés (deux-roues motorisés, poids lourds).

Le transport aérien intérieur représente seulement 4% des émissions nationales, mais a augmenté deux fois plus vite que la moyenne du secteur sur la période 1990-2018. Quant au transport aérien international, qui n’est pas comptabilisé dans les émissions nationales, ses émissions ont plus que doublé en vingt ans.

Axes de solutions

Le Réseau Action Climat résume bien les grands axes de solutions pour faire décroître drastiquement l’empreinte carbone du secteur :

« La transition énergétique dans le secteur des transports passe par trois chemins :

D’abord, réorganiser l’espace pour limiter l’étalement urbain et les besoins en déplacements, dont découle le choix du mode de transport. Cela passe par un partage de l’espace public plus favorable aux modes de déplacement alternatifs à la voiture et l’articulation des politiques d’aménagement, d’urbanisme et de transports, pour rapprocher les logements des lieux de services, d’activités professionnelles et de loisirs. Il est aussi essentiel de privilégier les infrastructures de transports qui encouragent les modes de transports les moins polluants. Enfin, relocaliser la production et la consommation sont autant de moyens d’agir en amont sur les émissions.

Deuxièmement, il est nécessaire de se passer au plus tôt des véhicules consommant des énergies fossiles et d’améliorer la performance énergétique des véhicules pour réduire la consommation de carburant. Cela passe par une efficacité renforcée des véhicules légers et lourds mais également l’optimisation des véhicules utilisés (baisse des vitesses, éco-conduite, taux d’occupation optimal des véhicules avec le covoiturage, mesures d’émissions fiables, etc.).

Enfin, il faut faire évoluer les pratiques et les comportements vers les modes de transports les plus écologiques : les transports ferroviaire et par voie d’eau, pour les biens, et le train, les transports en commun, le vélo et même la marche à pied, qui ont tous un domaine de pertinence sous-exploité aujourd’hui.

Concrètement, il s’agit de transporter et de se déplacer moins, mieux et autrement, avec à la clé des co-bénéfices en termes d’économies, de santé, de sécurité routière, de congestion et de redynamisation des villes. »

 

La réponse à la crise du COVID-19 montre malheureusement que nous ne prenons pas suffisamment cette trajectoire radicale.

En 2020, les mesures de confinement ont mécaniquement entraîné une baisse temporaire des émissions du transport (transports de surface -60%, aviation -85%).
L’impact économique de la crise sanitaire sur le secteur des transports est majeur. La perte d’activité estimée par l’Insee du secteur fin avril 2020 était de 63% vs 35% pour l’ensemble de l’économie. Or le secteur des transports a un poids économique important : 216,5 Mrd€ en 2018, soit 9,2% du PIB pour 1,4 million de salariés (hors intérim), soit 12% des salariés du secteur tertiaire marchand. À cela s’ajoutent les industries liées au transport, comme les industries automobile, aéronautique, ou encore du raffinage de produits pétroliers, et le secteur de la construction d’infrastructures de transport. L’industrie automobile représente ainsi 4 000 entreprises industrielles, qui emploient 400 000 salariés en France. Elle réalise un chiffre d’affaires de 155 Mrd€, soit 18% du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière.

Il était donc indispensable de mettre en œuvre des plans de soutien sectoriels, ce qui a été fait. Toutefois, le HCC, comme l’ensemble des associations écologistes, constate que ces plans ne permettent pas de réorienter ces secteurs très polluants de notre économie vers une trajectoire sobre en carbone compatible avec la SNBC (et donc le respect des Accords de Paris).
Les politiques de soutien au secteur du transport comportent des mesures générales (chômage partiel, reports d’échéances fiscales, prêts garantis par l’État) et des plans de soutien sectoriel. Début septembre 2020, trois plans de soutien ciblaient spécifiquement le secteur des transports à travers l’automobile, le rail et la filière aéronautique. Les plans de soutien au secteur du transport doivent être abordés dans une logique de cohérence avec la SNBC, ce qui peut passer par le développement de conditionnalités pour les bénéficiaires.

Ainsi, pour l’automobile, le HCC recommande de :

  • Définir une stratégie pour la filière automobile cohérente avec la SNBC et en détailler les modalités (ex : accélération du déploiement de bornes électriques, fixation des caractéristiques et de la répartition souhaitée des types de véhicules à faibles émissions d’ici 2025, lisibilité aux industriels pour leur permettre de planifier leurs investissements)
  • Introduire un critère de poids des véhicules dans les conditions d’éligibilité aux aides afin de mieux tenir compte des émissions sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules, à l’instar de ce qui se pratique en Norvège.
  • Évaluer l’impact environnemental ainsi que l’impact social et économique des mesures de soutien à la demande (bonus-malus et prime à la conversion) pour calibrer au mieux ces dispositifs.

Dans le domaine de l’aérien, le HCC souligne que le plan de soutien à Air France-KLM (7 Mrd €) s’est fait en échange d’engagements pris par le groupe (émissions de CO2 des vols métropolitains divisées par 2 d’ici fin 2024, renouvellement de la flotte pour réduire les émissions, objectif de 2% de carburant alternatif durable dès 2025, réduction des vols intérieurs sur les trajets où une alternative ferroviaire de moins de 2h30 existe), qui sont cohérents avec la SNBC mais non contraignants et ne s’appliquant qu’à un seul acteur du marché aérien et non pas à l’ensemble des entreprises du secteur, laissant craindre des déplacements d’émissions de CO2, d’une filiale ou d’une compagnie à l’autre. Pour mémoire, la filière est déjà bénéficiaire de fortes exonérations fiscales ou d’importantes subventions au fonctionnement des infrastructures aéroportuaires, notamment régionales.

Par ailleurs, la filière aéronautique, située en amont du secteur aérien, a aussi bénéficié d’un plan de soutien spécifique, qui ne comporte aucune conditionnalité environnementale. Comme le note le HCC dans un langage très diplomatique : « Ce soutien inconditionnel à la demande en aéronefs apparait peu cohérent avec les objectifs de maîtrise de la demande en transport et de report modal énoncés dans la SNBC. Des mesures plus directement ciblées sur le maintien des revenus des salariés du secteur auraient pu être privilégiées afin de mieux concilier enjeux socio-économiques et objectifs environnementaux. »

Les alternatives ferroviaires bénéficient d’un plan de 4,7 Mrd €. Dont la moitié, 2,3 Mrd €, financera les travaux qu’engagera SNCF Réseau pour régénérer et moderniser le réseau national le plus sollicité, pour en améliorer la régularité et la sécurité. Et 1,5 Mrd € sera consacré à la fin du glyphosate et à la rénovation des ponts ferroviaires. Le milliard restant sert à financer des projets pour améliorer l’accès aux personnes à mobilité réduite, la relance des trains de nuit, et quelques mesures en faveur du fret ferroviaire (malheureusement très peu développé en France).

Ce plan, dont le montant est significativement inférieur à celui de l’aérien, semble omettre une recommandation clé du HCC : favoriser la décarbonation du transport ferroviaire via l’électrification des lignes et le déploiement des TER bas-carbone (dont le diesel représente encore 25% de l’énergie consommée et est responsable de 75% de leurs émissions de CO2) dans le plan de sortie de crise.

En ce qui concerne le transport urbain, le HCC préconise de :

  • Mettre en place un plan de soutien au secteur des transports publics afin d’assurer sa pérennité économique mise à mal par la crise.
  • Placer l’investissement dans les transports publics, les infrastructures de mobilité douce et la réaffectation de l’espace routier au cœur du plan de sortie de crise, en cohérence avec les objectifs de report modal de la SNBC.
    Rappelons que la moitié des déplacements effectués en voiture en ville fait moins de 3 km. Une distance aisément réalisable en vélo, à pied ou en transport en commun.

Ainsi, après avoir analysé les plans de relance sectoriels, le HCC concluait dans son rapport annuel de 2020 que ce qu’il exprimait dans son rapport 2019 était toujours valable. En voici ci-dessous une retranscription résumée.

Le secteur des transports, en France comme en Europe, est à la croisée de plusieurs problématiques centrales : il est au cœur d’une économie de flux ; c’est de loin le premier émetteur de GES et il est en forte croissance ; il véhicule des valeurs sociales et des enjeux identitaires extrêmement forts. Les trajectoires d’évolution sont donc complexes.
Pour le transport, une part majeure des évolutions structurelles associées au scénario de la SNBC1, n’est pas mise en œuvre ou pas au rythme anticipé, y compris lorsque des politiques publiques soutenaient celles-ci. La plupart des facteurs du scénario SNBC1 ne suit pas les tendances visées (en dehors de la demande de transport de marchandises, et de la consommation unitaire des véhicules utilitaires légers neufs).

  • Transport de voyageurs : une croissance de la demande, un retard dans l’électrification et pas de report modal sur la période 2015-2018.
    • La demande de transport de voyageurs (voyageur.km) a cru près de trois fois plus vite qu’anticipé dans la SNBC1. La demande est un facteur systémique, lié à plusieurs domaines (transport, emploi, industrie, aménagement du territoire, infrastructures) qui ne fait pas l’objet de politique dédiée visant sa modération.
    • Un transfert modal mineur s’est fait au profit de la voiture, alors que le scénario de la SNBC1 visait un report vers le rail, les modes actifs (vélo, marche, …) et les transports en commun.
    • Le taux de remplissage des voitures semble s’être stabilisé depuis 2015.
    • La décarbonation des véhicules particuliers s’appuie dans la SNBC1 sur l’accroissement des volumes d’agrocarburants, l’électrification du marché et la réduction des consommations par véhicule, mais les évolutions sont plus lentes qu’anticipé.
  • S’agissant du transport de marchandises et véhicules utilitaires légers, la trajectoire n’a pas évolué, soulevant la question de l’adéquation des politiques publiques avec les objectifs de décarbonation du sous-secteur.
    • La demande de transport de marchandises (tonne.km) étant stable, elle a dépassé l’objectif de modération de 2,3% attendu dans le scénario SNBC1.
    • La part modale de la route est restée stable alors que le scénario SNBC1 visait un transfert vers les autres modes, essentiellement le rail. L’adéquation des politiques publiques de ces modes avec les objectifs de décarbonation est à questionner, en particulier compte tenu de décisions telles que l’absence de l’éco-taxe, ou les exonérations de fiscalité sur les carburants pour certaines activités.
  • Les investissements nationaux et régionaux favorisent actuellement peu la mise en œuvre de la SNBC. Le conseil d’orientation des infrastructures et le rôle de gouvernance de l’État dans des entreprises sont deux leviers qui peuvent être utilisés pour assurer les changements structurels nécessaires.

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