Industrie

Le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction a fortement réduit ses émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) en trente ans. Les émissions ont en effet diminué de 45% sur la période 1990-2018, contre 9% seulement pour les autres secteurs. Alors que l’industrie manufacturière et la construction représentaient 26,4% des émissions nationales de GES en 1990, cette part est estimée à 17,8% pour l’année 2019. Les efforts restent néanmoins à poursuivre et amplifier pour continuer à suivre dans ce secteur la trajectoire de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).

NB : La fiche présentée ci-dessous est une retranscription du rapport annuel 2020 du Haut Conseil pour le Climat (HCC).

Impacts écologiques et sociaux

Le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction a fortement réduit ses émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) en trente ans, lui permettant ainsi de ne pas dépasser son premier budget carbone indicatif de la période 2015-2018 que de 1%. Les émissions ont en effet diminué de 45% sur la période 1990-2018, contre 9% seulement pour les autres secteurs. Alors que l’industrie manufacturière et la construction représentaient 26,4% des émissions nationales de GES en 1990, cette part est estimée à 17,8% pour l’année 2019.

Le principal GES émis par le secteur est le CO2, avec 91,3% des émissions (estimations 2019). Les gaz fluorés, issus notamment des procédés de réfrigération, représentent 6,3% des émissions sectorielles, tandis que le protoxyde d’azote en représente 2,0%.

Les sous-secteurs industriels contribuant le plus aux émissions sont la chimie (25,4%), l’industrie des minéraux non-métalliques et des matériaux de construction (23,3%), la métallurgie de métaux ferreux (20,2%), et l’industrie agro-alimentaire (12,4%).

La baisse des émissions de CO2 liées à l’énergie dans l’industrie s’explique essentiellement par une amélioration des procédés de fabrication et une diminution du contenu carbone de l’énergie. La baisse de l’intensité énergétique a en effet joué un rôle déterminant : hors effet de structure (poids relatif des différents secteurs industriels), elle atteint 38% entre 1990 et 2018. Cette diminution reflète une forte amélioration de l’efficacité énergétique des procédés de fabrication dans les différentes branches industrielles.

De même, le contenu carbone de l’énergie a décru de 22% sur la période (toujours hors effet de structure). Le recours accru à l’électricité et aux énergies renouvelables, au détriment des énergies fossiles, et la baisse des émissions indirectes liées à l’électricité affectent l’ensemble des secteurs industriels, aux exceptions notables de la métallurgie (où le charbon reste dominant) et de la construction (qui consomme principalement des produits pétroliers).

À l’inverse, la valeur ajoutée du secteur a crû de 24%, traduisant ainsi un découplage au niveau sectoriel entre valeur ajoutée et émissions. Par ailleurs, sur la période 1990-2018, les réallocations internes à l’industrie n’ont globalement pas contribué à la réduction des consommations énergétiques et des émissions de CO2. Jusqu’en 2007, le déclin de la métallurgie tendait à faire baisser l’intensité énergétique industrielle, mais était largement contrebalancé par la croissance d’autres secteurs fortement consommateurs tels que la chimie. Sur les années récentes, la métallurgie et la chimie, deux secteurs intenses en énergie, ont connu de fortes croissances de leurs valeurs ajoutées, alors que l’activité de la construction, bien moins intense en énergie, a stagné.

Axes de solutions

Les prochains budgets carbone attribués au secteur de l’industrie manufacturière et de la construction nécessitent une accélération du rythme de réduction des émissions de GES par rapport à la dernière décennie, alors que la tendance est plutôt à la décélération.

Les budgets carbone du secteur pour les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033 imposent un rythme de réduction annuel de 2 Mt éqCO2/an. Or, sur la dernière décennie, entre 2010 et 2019, le rythme annuel de réduction des émissions n’était que de 1,5 Mt éqCO2/an.

Plus inquiétant encore, sur la période 2015-2018 du premier budget carbone, il s’est réduit à 0,2 Mt éqCO2/an. Cela illustre le ralentissement du rythme de réduction des émissions du secteur, qui s’élevait à 2,7Mt éqCO2/an sur la période 1990-2010.

 

Le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction a été fortement affecté lors de la crise sanitaire. Industrie manufacturière et construction ont un poids majeur dans l’économie française : elles représentent respectivement 10% et 6% du PIB. En termes d’emplois, l’industrie manufacturière compte 2,8 millions de salariés, auxquels s’ajoutent les 1,3 million d’emplois du secteur de la construction. En sus des conséquences socio-économiques, l’impact de la crise sanitaire sur le secteur fait craindre le risque d’un ralentissement de la trajectoire de décarbonation de l’outil productif.

Les mesures de soutien au secteur n’intègrent pour l’instant que très marginalement les enjeux de transition bas-carbone des procédés industriels et de construction.

Deux types de mesures de soutien sont mises en place pour soutenir le secteur : les mesures de soutien génériques, accessibles à l’ensemble des entreprises du pays, et les plans de soutien sectoriels. Les mesures de soutien génériques (délais de paiement d’échéances sociales et fiscales, remise d’impôts directs, prêt garanti par l’État, dispositif de chômage partiel, etc.) n’intègrent pas de conditions environnementales.

En date du 18 juin 2020, trois plans de soutien sectoriels ciblaient tout particulièrement le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction : les plans de soutien au secteur automobile, au secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) et à la filière aéronautique.

L’éco-conditionnalité des mesures de soutien à l’industrie manufacturière et la construction doit être renforcée selon trois directions : améliorer l’efficacité énergétique et l’électrification, développer le recyclage des déchets et des matériaux et soutenir la R&D de procédés industriels bas-carbone.

1. Améliorer l’efficacité énergétique et l’électrification

Les investissements dans l’efficacité énergétique créeraient en moyenne environ dix emplois par million d’euros dépensé. Les investissements dans des moteurs électriques industriels plus économes en énergie ou des pompes à chaleur pour les procédés industriels à basse température ont généralement des temps de retour intéressants. Au-delà de l’augmentation immédiate de l’emploi et des avantages économiques positifs à long terme, l’efficacité énergétique améliore la productivité, réduit la dépendance à l’égard des importations, et renforce la résilience aux crises.
Le gouvernement peut soutenir l’investissement dans l’efficacité énergétique et l’électrification via le renforcement des dispositifs existants : CEE, Fonds chaleur, prêts verts bonifiés de BPI France.

2. Développer le recyclage des déchets et des matériaux

La production de matériaux industriels est énergivore et représente près de la moitié de la consommation d’énergie dans l’industrie. La mise en œuvre de technologies de recyclage économiquement viables peut raccourcir les chaînes d’approvisionnement, accroître la résilience et créer de nouveaux emplois, tout en réduisant la demande supplémentaire de matériaux vierges. Au niveau mondial, on estime qu’une augmentation du taux de recyclage moyen mondial d’environ 41% aujourd’hui à 47% en 2030 réduirait les émissions de la production de matériaux d’environ 20%. Les systèmes de gestion des déchets existants peuvent être améliorés en facilitant le tri, la standardisation et l’amélioration des conceptions de produits pour tenir compte de manière adéquate de leur traitement en fin de vie. À cette fin, le gouvernement peut notamment renforcer le Fonds économie circulaire opéré par l’Ademe.

3. Soutien à la R&D de procédés industriels bas-carbone

En raison du temps long de mise en place de nouveaux procédés de production, l’innovation dans les technologies bas-carbone reste une priorité à court terme pour atteindre des objectifs climatiques à plus long terme.

L’innovation bas-carbone peut aider à améliorer la résilience énergétique et la compétitivité future. Les technologies liées à l’hydrogène et la capture du carbone sont tout particulièrement intéressantes dans le contexte des industries intenses en énergie. Des procédés innovants sur des secteurs particulièrement émetteurs (ciment, acier) doivent aussi être diffusés au plus vite. Le gouvernement peut soutenir et stimuler la R&D en renforçant le volet du Programme d’investissements d’avenir (PIA) opéré par l’Ademe.

La réflexion sur la relocalisation et la régionalisation des chaînes de valeur industrielles post COVID-19 doit pleinement intégrer l’objectif de neutralité carbone. La crise sanitaire a mis en lumière l’important éclatement géographique des processus de production au sein des chaînes de valeurs internationales. Un tel éclatement, quand il est couplé à une spécialisation géographique forte sur un segment de la chaîne de valeur industrielle, rend nos économies vulnérables à des chocs d’offre localisés. La localisation en France des activités de production à forte valeur ajoutée est un des engagements de la filière automobile dans le cadre de son plan de soutien. La volonté de développer le tissu industriel français préexistait à la crise sanitaire et s’était déjà exprimé lors de la réflexion sur le Pacte productif.

 

Cette initiative avait donné lieu à une lettre du Haut conseil pour le climat, dont les recommandations restent pertinentes dans le cadre d’une politique industrielle post-crise sanitaire.

L’engagement des filières et le suivi de leurs progrès permettront de surmonter les freins à la décarbonation de l’industrie manufacturière et de la construction.

Les freins et les risques pesant sur la réussite de la trajectoire d’émissions du secteur sont nombreux. Les technologies bas-carbone peuvent entraîner des surcoûts financièrement injustifiés au regard des prix actuels du carbone.

Investir dans une technologie innovante bas-carbone est une décision risquée du point de vue de l’entreprise industrielle si les incertitudes sont fortes sur l’efficacité et la durabilité de l’outil de production. En outre, l’industrie se caractérise par des cycles d’investissement longs, exigeant une forte anticipation sur le verdissement des actifs productifs et accroissant les risques d’effet de verrouillage, ou lock-in, c’est-à-dire un enfermement dans des processus de production trop émetteurs.

Enfin, le secteur est fortement exposé à la concurrence internationale.
Les enjeux de compétitivité et de fuites de carbone sont donc largement évoqués quand il s’agit de rehausser le niveau d’ambition des politiques climatiques du secteur.

Face à ces risques, et afin d’atteindre les objectifs climatiques du secteur, il convient de renforcer l’action publique selon trois axes :

  1. Renforcer les mesures existantes afin d’accroître leur efficacité environnementale.
  2. Compléter le dispositif avec de nouvelles mesures visant à garantir la bonne transition du secteur.
  3. Soutenir l’ambition européenne sans en faire un prérequis à l’action nationale.

1. Il est nécessaire de disposer d’évaluations solides des instruments en place qui mesurent, entre autres, leur performance environnementale et ses déterminants.

Si certains dispositifs, comme les CEE ou le PIA, ont bénéficié d’évaluations, d’autres en sont encore démunis. Le travail d’évaluation doit permettre de réduire davantage les émissions en permettant une évolution des mesures : meilleur ciblage des projets, hausse du financement alloué, simplification des démarches administratives, etc.

Il s’agit également d’accroître l’importance stratégique dévolue aux objectifs climatiques dans des dispositifs, comme le PIA, dont les enjeux environnementaux ne sont qu’une finalité parmi d’autres. Par ailleurs, les exemptions encore nombreuses à la tarification effective du carbone, qui nuisent à l’efficacité environnementale du signal-prix et qui entravent les efforts en faveur d’un rehaussement de l’ambition climatique, doivent être supprimées. Cette suppression pourrait se faire via une réforme plus globale de la fiscalité des filières, où un rehaussement de la fiscalité carbone serait compensé par des allègements fiscaux dans d’autres domaines.

2. En complément des mesures existantes, de nouvelles mesures apparaissent nécessaires à la réussite de la transition bas-carbone du secteur et peuvent être mises en place à l’échelle nationale.

Il est ainsi nécessaire de décliner la SNBC au niveau des filières, avec une stratégie et une feuille de route par filière, dont la cohérence avec la stratégie de l’ensemble du secteur doit être garantie. Les comités stratégiques de filière pourraient être en charge de l’élaboration de ces stratégies et feuilles de route et le Conseil national de l’industrie pourrait avoir comme mission d’en superviser la cohérence d’ensemble.

De plus, pour soutenir le développement des premiers projets industriels bas-carbone à échelle commerciale, où le risque est le plus élevé, le développement, de contrats de différence liés au carbone (CCFD) paraissent pertinents. Enfin, introduire des normes d’émissions dans les marchés publics doit permettre de créer une demande pour les entreprises investissant dans les technologies bas-carbone.

3. Parallèlement, la France doit continuer à soutenir un rehaussement de l’ambition communautaire concernant la décarbonation de l’industrie, sans toutefois en faire un prérequis à l’action nationale. Il s’agit entre autres de soutenir :

  • Un rehaussement de l’objectif de décarbonation des secteurs couverts par le SEQE, en cohérence avec l’engagement européen en faveur de la neutralité carbone pris en décembre 2020 par le Conseil européen.
  • Une réforme du SEQE alignée avec l’objectif rehaussé. La trajectoire d’allocation des quotas doit être revu à l’aune du nouvel objectif de neutralité carbone.
  • Une interdiction à terme de vente des produits manufacturés issus de processus intensifs en carbone sur le sol européen. Afin de préparer la mise en œuvre de cette interdiction, il convient de développer et mettre en place des programmes de labellisation.

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