Habitat / logement

L’atteinte de la neutralité carbone implique une décarbonation complète du secteur des bâtiments d’ici à 2050. « Décarboner » un bâtiment implique d’agir sur l’efficacité énergétique du bâtiment lui-même, le contenu carbone de la source de chauffage et d’eau chaude sanitaire, l’utilisation efficace et sobre par les occupants, le contenu carbone des matériaux de construction ou encore les émissions indirectes liées au transport ainsi qu’à l’artificialisation des surfaces bâties.
NB : La fiche présentée ci-dessous est principalement issue du rapport annuel 2020 du Haut Conseil pour le Climat (HCC).

Impacts écologiques et sociaux

Les orientations de la SNBC (Stratégie nationale bas carbone) pour le secteur de l’habitat et du logement prennent en compte ces différents aspects en visant :

  • Un parc des bâtiments au niveau « bâtiment basse consommation » (BBC), en moyenne d’ici 2050. Cela implique une rénovation de 500 000 logements par an à compter de 2017 dans le secteur résidentiel et de réduire la consommation énergétique finale des bâtiments tertiaires de plus de 1000 m² de 60 % par rapport à 2010 d’ici 2050. Pourtant, malgré des financements importants, le marché de la rénovation performante est toujours embryonnaire : un taux de rénovations globales extrêmement bas (0,2 %/an pour le résidentiel et le tertiaire sur la période 2012- 2016) et seulement 87 000 rénovations significatives par an (au moins +2 classes énergétiques) de maisons individuelles.
  • Un mix énergétique totalement décarboné dans l’usage des bâtiments. Or plus de 50 % des résidences principales en 2017 étaient encore chauffées au fioul ou au gaz fossile.
  • L’accroissement des niveaux de performance énergie et carbone des bâtiments neufs dans les futures réglementations environnementales, dont l’intégration du confort d’été et la promotion de produits de construction et d’équipements les moins carbonés.
  • Une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages.

Le secteur a enregistré une baisse des émissions de 2,7 % en 2019 par rapport à 2018, avec un rythme de baisse des émissions de 2,2 % en moyenne sur la période de la SNBC1 par rapport à la période 2011-2014. Ces progrès sont à reconnaître même s’ils demeurent plus de deux fois inférieurs au rythme anticipé par la SNBC dès 2025.

Chacun des leviers ci-dessus doit être activé pour augmenter le rythme de baisse des émissions et atteindre les objectifs de la SNBC mais le levier de très loin le plus puissant est celui de la rénovation des bâtiments existants, secteur présentant la plus grande opportunité d’action sur le court terme et le plus grand besoin de changements structurels sur le moyen terme.

Les besoins de rénovation du secteur des bâtiments représentent un fort potentiel en matière de création d’emplois dans la durée et de valeur ajoutée au niveau local. Le secteur de la construction au sens large représente 2,6 millions d’emplois en France, la rénovation énergétique dans le bâtiment résidentiel représentant un marché de 29 Mrd € et plus de 200 000 emplois en 2016.

Agir sur ce secteur est d’autant plus important qu’il a subi, la crise actuelle de plein fouet, comme en 2008, avec des impacts sociaux et financiers pour les acteurs de la filière (en majorité des microentreprises et PME).

Des bâtiments mal isolés présentent un risque sanitaire, lié aux conditions de froid ou de surchauffe, à la dégradation de la qualité de l’air intérieur ou bien à la présence de condensations ou moisissures dans les logements. Cela met en exergue non seulement la nécessité d’isoler un bâtiment pour toutes les saisons mais également de recourir à des travaux de qualité, prenant en compte l’isolation ainsi que la bonne ventilation du lieu. En outre, des bâtiments rénovés pour être efficaces en période de froid comme de forte chaleur ou humidité, dans des zones bien conçues, sont un investissement indispensable pour nous adapter au climat futur. Enfin, mieux les isoler et réguler leur température permet de réduire fortement la consommation d’énergie et l’importance des factures associées.

La précarité énergétique, c’est-à-dire la difficulté voire l’incapacité à pouvoir chauffer correctement son logement à un coût acceptable, touche déjà près de 20 % des ménages en France et on estime à 7,4 millions le nombre de « passoires énergétiques » parmi les résidences principales du parc privé (c’est-à-dire des logements ayant une étiquette énergie F ou G).

Axes de solutions

Agir sur ce secteur de façon structurelle et pérenne présente des opportunités uniques de répondre au triple enjeu de reprise économique, de réduction des inégalités et de lutte contre le changement climatique. Il s’agit donc d’un secteur à mobiliser en priorité dans les mois et années à venir pour relancer l’économie tout en accélérant l’action pour le climat.

Le HCC a formulé dans son rapport annuel 2020 quatre propositions pour retrouver une trajectoire compatible avec la SNBC. En voici ci-dessous une retranscription résumée.

1. Financer dans le plan de reprise les secteurs prêts à être mobilisés

Les problèmes liés à la rénovation du parc des bâtiments sont nombreux : politiques et mesures inadaptées aux besoins de rénovation profonde, temps longs nécessaires à la modification des bâtis et à la structuration de la filière, faible capacité de financement des ménages, manque d’incitation et d’accompagnement, non-maîtrise des solutions techniques ou encore manque d’information.

Ces blocages expliquent le retard déjà accumulé sur la trajectoire de la SNBC dans ce secteur. Malgré ces blocages structurels, certains sous-secteurs ont déjà mis en place des processus efficaces amenant des améliorations importantes de l’efficacité énergétique. Ces secteurs, où l’accélération de l’action est un enjeu financier plutôt que structurel, peuvent tout de suite être mobilisés par le plan de reprise.

  • L’habitat social : le parc social représente 5 millions de logements en France et conduit environ 125 000 rénovations par an. Donner des moyens supplémentaires et systématiser l’approche BBC sur ce créneau permettrait d’avoir un impact immédiat sur les objectifs.
  • Les grands bâtiments tertiaires privés : la gouvernance des grands bâtiments tertiaires privés (grandes entreprises, banques, services, chaînes d’hôtels) prend en compte les critères énergétiques depuis de nombreuses années. Ces acteurs informés et organisés, qui conduisent des réflexions sur l’usage des bâtiments à la suite de la crise actuelle en prenant mieux en compte le télétravail notamment, pourraient embarquer la rénovation énergétique lors des ajustements immobiliers auxquels ils vont procéder dans les mois à venir. L’État pourrait soutenir la rénovation dans ce secteur en facilitant l’embarquement de la rénovation énergétique ou en conditionnant les aides apportées à certaines grandes entreprises à des plans d’investissement dans la rénovation. Sur le plus long terme, des instruments et de l’accompagnement adaptés pour les « petits » bâtiments tertiaires sont également nécessaires afin de les inciter à la rénovation énergétique.
  • Les programmes de l’Anah : le programme « Habiter Mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a permis la rénovation de près de 117 000 logements en 2019, soit environ 55 000 logements de plus qu’en 2018. Ces aides sont efficaces d’un point de vue énergétique car elles sont conditionnées à des gains énergétiques minimum et font l’objet d’un accompagnement obligatoire à la fois technique et financier. L’État pourrait doter l’Anah de plus de moyens financiers et humains pour ses programmes ciblés sur le parc privé bas-revenus afin de poursuivre cette trajectoire croissante de rénovations performantes.
  • Les capacités d’accompagnement et d’information à l’échelle locale doivent également être renforcées, afin d’identifier les logements à rénover mais aussi de permettre aux ménages de comprendre le nouveau régime de subventions à la rénovation énergétique, « MaPrimeRénov ».

2. Débloquer les systèmes relatifs au résidentiel privé et au tertiaire de l’État

Sur le moyen terme, d’autres secteurs peuvent prendre le relai si des changements structurels adéquats sont mis en place. Il est notamment nécessaire de développer de l’ingénierie financière et de l’accompagnement pour la rénovation performante, de structurer la filière pour répondre aux besoins de rénovation performante, et d’augmenter des moyens apportés aux régions et collectivités, dont le rôle sur le terrain est central à la massification de la rénovation énergétique.

  • Les logements privés : dans le résidentiel privé, les principaux enjeux sont l’augmentation de la demande et la subvention forte de projets très performants pour pousser le marché vers le haut. En France, dans les maisons individuelles, les offres intégrées développées à l’échelle locale (par exemple les dispositifs Oktave et « Je rénove BBC » dans la région Grand Est) ainsi que des dispositifs d’accompagnement dans des régions telles que la Bourgogne-Franche-Comté ou les Hauts-de-France, montrent qu’il est possible de déclencher des rénovations globales et de réduire fortement les factures énergétiques.
  • L’État doit mettre en place des aides ciblées sur des rénovations de qualité avec un engagement de résultat tout en donnant plus de moyens aux acteurs territoriaux. Il s’agit de permettre une multiplication et une standardisation des offres sur tout le territoire et d’assurer le travail de promotion nécessaire pour déclencher les projets.
  • Les copropriétés : les copropriétés représentent 43 % des résidences principales et font face à des blocages additionnels, liés en particulier à la complexité de leurs régimes de gouvernance. La notion « d’usager » n’est pas nécessairement applicable aux copropriétés et il est souvent difficile pour un groupe de propriétaires d’obtenir l’autorisation d’effectuer des travaux de rénovation, de les faire financer grâce aux aides et de trouver les bons interlocuteurs et dispositifs, les professionnels du bâtiment étant par ailleurs parfois frileux devant l’ampleur et la complexité technique des travaux et le nombre d’interlocuteurs. Des avancées ont cependant été constatées, par exemple avec la société de tiers-financement Île-de-France Énergies qui propose une offre globale d’accompagnement des rénovations énergétiques aux copropriétés d’Île-de-France. Il faut maintenant s’interroger sur les conditions nécessaires pour démultiplier cette initiative sur le territoire et pouvoir traiter l’ensemble du parc dans la durée.
  • Tertiaire de l’État : l’État s’est fixé l’objectif de réduire la consommation énergétique de son parc de 15 % à l’horizon 2022 par rapport à 2010 et d’en supprimer intégralement les chaudières au fioul d’ici 2029. La direction de l’Immobilier de l’État (DIE), qui remplit le rôle d’État propriétaire et anime la stratégie immobilière de l’État, dispose de peu de leviers pour atteindre ces objectifs, un défaut majeur de l’organisation actuelle étant de séparer celui qui investit (la DIE) et celui qui bénéficie des économies de fonctionnement ainsi générées (l’administration occupant les locaux), l’entité administrative bénéficiant des économies d’énergie n’ayant donc pas la main sur la décision d’investissement, et réciproquement. La réflexion lancée par la DIE le 29 mai 2020 sur « l’immobilier public de demain » au travers de groupes de travail interministériels est l’occasion de mettre ces enjeux au centre du processus de décision. L’État doit mettre en place un dialogue entre la DIE et les utilisateurs des locaux afin de penser à l’optimisation des surfaces en premier lieu, ce qui amènera sans doute à revoir le modèle économique du foncier de l’État (par exemple avec le paiement d’un loyer au coût complet par les occupants) et afin de planifier l’éradication du chauffage carboné. Ces considérations doivent être ajoutées à la feuille de route de chaque ministère.

3. Coordonner et aligner les objectifs climatiques et sociaux

La précarité énergétique touche aujourd’hui près de 12 millions de Français et 75 % du parc dont les occupants sont en situation de précarité énergétique sont des bâtiments avec des diagnostics de performance énergétique (DPE) de classes D à G (consommations conventionnelles de plus de 150 kWh/m2/an), appelés aussi passoires thermiques. La rénovation de ceux-ci présente donc un important potentiel de gains énergétiques et de gains sur la facture pour les ménages. Cependant, elle est encadrée aujourd’hui par des objectifs et indicateurs différents (basés à la fois sur les revenus et sur la performance énergétique), gérée par de nombreux acteurs et soutenue par des dispositifs distincts.

La loi relative à l’énergie et au climat (LEC) offre un premier pas dans la bonne direction en fixant une série d’obligations pour les propriétaires de passoires thermiques, mais sa mise en œuvre reste problématique. Elle doit donc faire l’objet d’une stratégie explicite. La première phase consiste à identifier les passoires thermiques associées à la précarité, où la rénovation est à la fois rentable et socialement utile, puis à assurer l’opérationnalisation de ces rénovations avec des moyens adéquats et l’accompagnement des propriétaires. Cela nécessite de coordonner les nombreux acteurs impliqués aux différentes échelles, d’assurer les synergies entre les financements et de mettre en place un suivi du parc.

4. Aligner la politique de rénovation et de formation avec les objectifs énergétiques

Les mécanismes financiers aujourd’hui en place ont été structurés avec l’idée d’augmenter le nombre de gestes de travaux énergétiques, sans obligation de résultat et sans conditionnalité sur les niveaux de performance nécessaires. L’approche de la SNBC elle-même est problématique du point de vue technique (il faut assurer que les bons gestes soient faits dans le bon ordre dans chaque logement et la possibilité d’atteindre un niveau de rénovation BBC par étape est discutée), économique (la rénovation globale bien que plus chère en amont, permet l’optimisation des coûts sur la durée et un gain réel sur les factures énergétiques) et comportementale (la rénovation est un processus dérangeant pour un foyer, qui ne sera pas nécessairement prêt à entreprendre de seconds travaux).

Cette absence de parti pris de la politique nationale n’incite ni les ménages ni les entreprises à s’orienter vers la rénovation globale. Un bâtiment performant nécessite d’établir en amont une vision globale des travaux nécessaires et d’assurer la bonne coordination de ces travaux, quitte à assumer ensuite qu’une rénovation globale puisse être réalisée en plusieurs étapes.

L’État doit donc mettre en cohérence les outils d’aide et mettre en place les mécanismes de contrôle de la performance énergétique in situ garantissant la bonne atteinte du niveau BBC.

Le rôle et le champ d’action des différentes échelles territoriales doit être clarifié, notamment en matière d’accompagnement à la rénovation énergétique des logements. Il est important que chaque région dispose des moyens suffisants pour s’approprier et mettre en œuvre le nouveau programme CEE SARE (Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique).

La coordination interministérielle mise en place à l’automne 2019 et le Plan bâtiment durable sont des socles importants pour l’alignement des objectifs des différents ministères en matière de rénovation énergétique.

Au-delà de ces mesures structurelles décrites par le HCC, rappelons que nous pouvons tous agir à notre échelle pour l’environnement grâce à notre choix de logement et notre mode d’occupation de ce logement, en choisissant par exemple de s’installer en habitat partagé ou dans un écovillage, d’entreprendre des petits travaux d’isolation, de choisir un mode de chauffage plus écologique, de baisser la température de chauffage à 18 ou 19 °C plutôt que 21-22 °C, d’installer des sources d’énergie renouvelable (panneaux solaires sur les toits), de diminuer l’utilisation des éclairages, de ne pas laisser les appareils électriques en veille, de cultiver une production alimentaire dans son jardin, d’installer un compost, de mettre en place un mode de vie zéro déchet ou des systèmes de récupération d’eau, etc.

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