Effet rebond

D’une manière très générale, l’effet rebond, encore appelé paradoxe de Jevons, peut être défini comme « l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à l’organisation… ». Il en découle le corollaire suivant : les économies d’énergie ou de ressources initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement compensées à la suite d'une adaptation du comportement de la société. Il a une grande importance pour l'établissement, l'évaluation et la mise à jour de stratégies et politiques énergétiques.

Présentation de l’effet rebond

Imaginons une situation où la consommation ne peut augmenter par manque d’argent. Le marché est « plafonné » par le pouvoir d’achat des consommateurs. Arrive une amélioration de l’efficacité des systèmes de production réduisant les coûts par unité. Cette innovation va dégager des économies permettant de consommer plus de produits ou services jusqu’à atteindre à nouveau les limites financières.

L’augmentation de consommation ne se fait pas forcément avec le même type de marchandises : ainsi le gain de performance d’un appareil engendre une réduction des dépenses, qui peuvent être réinvesties dans l’achat d’un autre appareil.

C’est en 1865, dans The « Coal Question », que l’économiste britannique W. Stanley Jevons met en évidence pour la première fois le mécanisme de rebond pour une ressource énergétique, à savoir le charbon. D’où l’autre nom de l’effet rebond : le paradoxe de Jevons. À partir des années 1980, l’effet rebond a été appliqué à la consommation d’énergie sous le nom de « postulat de Khazzoom-Brookes ».

Si un progrès technologique rend un équipement plus efficace en énergie, moins d’énergie est utilisée pour produire la même quantité d’un produit ou service, ce qui permet à l’entreprise de diminuer le prix de vente du produit ou du service. Cependant, la baisse du prix peut augmenter la demande du produit ou service, et alors la quantité produite augmente également.

Les économies d’énergie initialement prévues sont donc en partie perdues ; compensées par une plus grande production de cet équipement et une plus grande consommation d’énergie pour faire fonctionner le total de ces équipements.
Par exemple une baisse de prix des lampes ou l’apparition de lampes basse-consommation peut générer d’importantes économies, mais si l’argent économisé est réinvesti en achat de nouveaux luminaires, finalement, autant d’électricité sera peut-être consommée, et la pollution lumineuse ou les nuisances lumineuses auront augmenté.

Elargissement de la définition

D’un point de vue du développement durable, un élargissement de la définition de l’effet rebond « à toute utilisation de ressources ainsi qu’à tous les impacts sur l’environnement » est souhaitable. Une telle définition a été proposée par l’écologiste François Schneider, selon qui l’effet rebond est défini comme « l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à l’organisation… ».

L’analyse de la consommation est appliquée aux ressources et aux impacts environnementaux, et les paramètres limitants s’élargissent à d’autres paramètres que l’argent.

L’effet rebond lié à la frugalité est lié plus au choix du comportement personnel qu’à l’utilisation d’une nouvelle technologie. On parle aussi de « compensation de la conscience », lorsque à la suite d’un premier comportement favorable à une faible utilisation d’énergie et de ressources, une personne « se permet » un deuxième comportement de « péché ».

La plupart des produits et services sont substituables par d’autres produits et services de type complètement différent des premiers, le seul but du consommateur étant d’atteindre le niveau le plus élevé dans la pyramide des besoins de Maslow. Ainsi le chocolat est substituable par du jus d’orange et une voiture de luxe est substituable par des vacances. Cet élargissement de la signification de l’effet rebond est généralement connu par les économistes sous le terme d’effet du revenu : une meilleure efficacité dans l’utilisation des ressources pour la production d’un bien ou d’un service peut aboutir à une baisse du prix, ce qui nous rend plus riche en termes de pouvoir d’achat.

Par exemple, le remplacement d’un chauffe-eau électrique par des panneaux solaires thermiques peut réduire les frais d’électricité. Le montant d’argent épargné équivaut à une augmentation des revenus (effet du revenu). Ce montant peut être utilisé soit pour produire plus d’eau chaude (« effet rebond local ») soit pour acheter d’autres biens et services nécessitant eux aussi des ressources pour la production (« effet rebond global »). On peut donc constater que « si la notion d’efficacité énergétique, évidemment souhaitable, s’applique aisément à une machine, l’effet rebond rend donc sa généralisation à un système social beaucoup plus problématique ».

Quoique difficile à mesurer, l’effet rebond est généralement exprimé en pourcentage. Ainsi, un effet rebond de 20% signifie que 20% du potentiel d’économie d’énergie dû à un progrès technique est « perdu » à cause d’une demande accrue du produit ou service.

Un effet rebond supérieur à 100% signifie que le potentiel d’économie d’énergie (ou de ressources) a été surcompensé et donc la demande totale d’énergie (ou de ressources) a augmenté avec l’utilisation de la nouvelle technique. Un effet rebond supérieur à 100% est appelé « backfire » en anglais. Le paradoxe de Jevons fait également référence à un effet rebond supérieur à 100%.

L'effet rebond se trouve dans de nombreux domaines.

L’automobile est un exemple emblématique d’effet rebond. Les récents progrès techniques ont permis de produire des moteurs de voiture plus efficaces, plus sobres et moins polluants. Cependant ces progrès n’ont pas ou peu d’impacts réducteurs ni sur la quantité de carburants consommée, ni sur la pollution automobile globale, puisqu’une voiture qui consomme moins n’incite pas à rouler moins et que par ailleurs le poids moyen des véhicules n’a cessé de croître, augmentant ainsi la consommation de carburant nécessaire. Enfin, le taux d’équipement en véhicules individuels continue à être en augmentation. Ce qui contribue également à compenser les progrès techniques.

Dans le domaine de l’énergie, la quantité d’énergie renouvelable a augmenté en valeur absolue mais pas en proportion depuis les années 80. Les politiques de mises en place de ressources d’énergies renouvelables mises en place depuis plusieurs décennies n’ont pas remplacées les énergies fossiles et non renouvelables mais se sont additionnées à celles-ci. Elles ont donc permis d’accroitre encore davantage la quantité d’énergie disponible et donc la croissance économique. L’effet rebond concernant l’énergie remet donc frontalement en question l’idée que nous serions dans une phase de « transition énergétique » dans le sens où aucune transition n’a commencé en terme d’évolution des proportions de leur provenance.

L’effet rebond s’observe également facilement dans le domaine du numérique. Dans les premiers temps, le numérique a été présenté comme pouvant dématérialiser nos besoins. Qui implique dématérialisation implique baisse de l’approche matérielle : baisse du papier imprimé, baisse de la nécessité de voyager pour s’entretenir avec telle ou telle personne, baisse d’entretenir des locaux pour stocker un certain nombre d’information désormais numérisées. En réalité, le numérique lui-même est très énergivore. Il nécessite l’extraction et/ou l’utilisation de nombreux métaux rares. Il représente à lui tout seul 4% de la production de gaz à effet de serre mondial. Il a également créée de nouvelles offres qui n’existaient pas avant son existence (Réseaux sociaux, vidéos, film et musique à volonté, jeux vidéo). Ces offres réduisent l’impact positif du numérique.

À l’inverse du principe évoqué ci-dessus François Schneider introduit le concept d’effet débond qui consisterait à profiter des gains de productivité (performance, vitesse, etc.) en limitant voire en réduisant les besoins. La conjonction de ces deux facteurs (efficacité et limitation des besoins) amène alors un gain en termes de confort, de temps gagné pour les loisirs ou de prélèvement de ressources naturelles non-renouvelables. Ainsi, si l’achat d’une voiture plus sobre et moins polluante ne s’accompagne pas d’une augmentation du nombre de kilomètres parcouru, il en résulte une réduction des dépenses en carburant. Plutôt que d’investir l’économie réalisée sur d’autres postes de consommation, il est possible de choisir de réduire son temps de travail. Ce qui entraîne par là même une seconde réduction des dépenses en carburant.

Ainsi, si les mesures d’efficacité énergétiques, sont indispensables, elles ne sont pas suffisantes. Elles se doivent d’être couplées à un changement profond de regard sur le consumérisme. Sachant que nombre de nos comportements sont conditionnés par le contexte social dans lequel ils s’inscrivent, c’est une révolution culturelle sur les méfaits et le non-sens de la surconsommation qui est à mener.

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