Biodiversité

La biodiversité désigne la diversité des espèces vivantes et de leurs caractères génétiques. Elle est actuellement en grand péril du fait des activités humaines polluent et détruisent leurs habitats et en modifient les conditions de vie.

NB : Cette fiche est une retranscription résumée du dernier rapport en date de l’IPBES (2019) et du rapport Planète Vivante 2020 du WWF.

Tant la nature que les contributions de la nature aux populations sont vitales pour l’existence humaine et une bonne qualité de vie (bien-être humain, vie en harmonie avec la nature, bien vivre en équilibre et en harmonie avec la Terre nourricière et autres concepts analogues).

Aujourd’hui, plus d’aliments, d’énergie et de matières que jamais auparavant sont fournis à la société dans la plupart des endroits, mais cela se fait de plus en plus aux dépens de la capacité de la nature de fournir de telles contributions à l’avenir, et fréquemment au détriment de nombreuses autres contributions, qui vont de la régulation de la qualité de l’eau à un sentiment d’appartenance.

La biosphère, dont l’humanité toute entière dépend, est altérée dans une mesure inégalée à toutes les échelles spatiales. La biodiversité – la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes – s’appauvrit plus rapidement que jamais dans l’histoire de l’humanité.

La nature et ses contributions vitales aux populations, qui ensemble constituent la biodiversité et les fonctions et services écosystémiques, se détériorent dans le monde entier.

La nature est essentielle à l’existence humaine et à une bonne qualité de vie. La plupart des contributions de la nature ne sont pas intégralement remplaçables, et certaines sont mêmes irremplaçables.

La nature joue un rôle critique dans la provision d’aliments pour les humains et les animaux, d’énergie, de produits médicinaux, de ressources génétiques, et de tout un éventail de matières essentielles au bien-être physique et à la préservation du patrimoine culturel des populations. Ainsi, plus de 2 milliards de personnes utilisent du combustible ligneux pour répondre à leurs besoins primaires en énergie, environ 4 milliards se soignent principalement avec des remèdes naturels, et quelque 70% des médicaments utilisés pour traiter les cancers sont des produits naturels ou des produits de synthèse inspirés par la nature.

Par le biais de ses processus écologiques et évolutifs, la nature maintient la qualité de l’air, des eaux douces et des sols dont l’humanité est tributaire, distribue l’eau douce, régule le climat, assure la pollinisation, lutte contre les ravageurs et atténue l’impact des aléas naturels. Ainsi, plus de 75% des cultures alimentaires mondiales, qui comprennent des fruits et légumes et quelques-unes des principales cultures commerciales, telles que le café, le cacao et les amandes, reposent sur la pollinisation animale. Les écosystèmes marins et terrestres sont les seuls puits des émissions anthropiques de carbone, avec une séquestration brute de 5,6 gigatonnes de carbone par an (soit l’équivalent d’environ 60% des émissions mondiales d’origine anthropique).

La nature sous-tend toutes les dimensions de la santé humaine et contribue à des aspects non matériels de la qualité de vie – inspiration et apprentissage, expériences physiques et psychologiques, et supports d’identité – qui sont indispensables à la qualité de la vie et à l’intégrité culturelle, même si leur valeur cumulée est difficile à quantifier. La plupart de ces contributions sont produites avec le concours de la population humaine et, sans nier que le patrimoine anthropique – connaissance et institutions, infrastructures technologiques et avoirs financiers – peuvent les améliorer ou combler partiellement leur absence, bon nombre d’entre elles sont irremplaçables. La biodiversité assure la capacité de l’humanité à choisir des trajectoires nouvelles face à un avenir incertain.

Les contributions de la nature aux populations sont souvent inégalement réparties dans l’espace et dans le temps et entre les différentes catégories de population.

Différentes exigences conduisent à en sacrifier certaines au profit d’autres, tant en ce qui concerne leur production que leur appropriation. Les bienfaits procurés et les charges imposées par la coproduction et l’utilisation des contributions de la nature sont répartis et vécus différemment selon les catégories sociales, les pays et les régions. Donner la priorité à l’une des contributions de la nature, comme la production alimentaire, peut provoquer des changements écologiques préjudiciables à d’autres contributions. Certains de ces changements, ainsi que l’évolution de la technologie et des institutions, peuvent avantager certaines personnes au détriment d’autres, en particulier des plus vulnérables.

Ainsi, bien que la production alimentaire soit aujourd’hui suffisante pour satisfaire les besoins mondiaux, environ 11% de la population mondiale souffre de malnutrition, et les affections associées au régime alimentaire sont responsables de 20% des décès prématurés, liés soit à la sous-alimentation soit à l’obésité. L’expansion considérable de la production d’aliments pour les humains et les animaux, de fibres et de bioénergies s’est faite au détriment de beaucoup d’autres contributions à la qualité de vie, notamment la régulation de la qualité de l’air et de l’eau, la régulation du climat et la source d’habitats. Des possibilités de synergies existent cependant, notamment le recours à des pratiques agricoles durables qui améliorent la qualité des sols et ainsi accroissent la productivité en même temps que d’autres fonctions et services écosystémiques tels que la séquestration du carbone et la régulation de la qualité de l’eau.

Depuis 1970, la production a augmenté dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche, des bioénergies et des industries extractives tandis que 14 catégories de contributions parmi les 18 analysées ont décliné, pour l’essentiel les fonctions de régulation et les apports autres que matériels.

La production agricole a presque triplé en valeur depuis 1970 (atteignant 2 600 milliards de dollars en 2016) et la production de bois brut a augmenté de 45% pour atteindre quelque 4 milliards de mètres cubes en 2017, permettant au secteur forestier d’employer près de 13,2 millions de personnes. Cependant, les indicateurs des contributions associées à la régulation des écosystèmes, tels que le carbone organique des sols ou la diversité des pollinisateurs, ont décliné, ce qui indique que la hausse des contributions matérielles n’est souvent pas viable à long terme.

La dégradation des terres a, par exemple, entraîné une réduction de la productivité agricole sur 23% de la surface terrestre, et des déficits de récolte d’une valeur comprise entre 235 et 577 milliards de dollars risquent de survenir chaque année par suite de la disparition de pollinisateurs. De surcroît, la perte d’habitats côtiers et de récifs coralliens diminue la protection du littoral, qui est ainsi davantage exposé aux inondations et aux ouragans, posant des risques accrus pour la vie et la propriété des 100 à 300 millions de personnes qui vivent dans des zones côtières inondables selon le niveau de crue centennale.

Dans la plupart des régions du monde, la nature a aujourd’hui été altérée de manière significative par de multiples facteurs humains, et la grande majorité des indicateurs relatifs aux écosystèmes et à la biodiversité montrent un déclin rapide.

Au total, 75% de la surface terrestre est altérée de manière significative, 66% des océans subissent des incidences cumulatives de plus en plus importantes et plus de 85% de la surface des zones humides ont disparu. Si le taux de pertes forestières s’est réduit au niveau mondial depuis 2000, cette réduction est répartie de façon inégale. Dans la plupart des régions tropicales, riches en biodiversité, 32 millions d’hectares de forêt primaire ou de régénération ont été perdus entre 2010 et 2015. La superficie des forêts tropicales et subtropicales augmente dans certains pays, tout comme la superficie totale des forêts tempérées et boréales. Une série de mesures – allant de la restauration des forêts naturelles à la plantation de monocultures – contribuent à ces augmentations mais ont des conséquences très différentes sur la biodiversité et ses contributions aux populations.

Environ la moitié de la surface de corail vivant des récifs coralliens a été perdue depuis les années 1870, ces pertes s’étant accélérées au cours des décennies récentes en raison des changements climatiques, qui exacerbent d’autres facteurs. L’abondance moyenne des espèces autochtones dans la plupart des grands biomes terrestres a chuté d’au moins 20%, touchant potentiellement les processus écosystémiques et donc les contributions de la nature aux populations. Ce déclin a principalement lieu depuis 1900 et pourrait avoir accéléré. Dans les zones présentant des degrés élevés d’endémisme, la biodiversité autochtone a souvent été gravement touchée par des espèces exotiques envahissantes. Les populations sauvages de vertébrés terrestres, d’eau douce et marins ont tendance à baisser depuis les 50 dernières années. Les tendances mondiales des populations d’insectes ne sont pas connues mais des déclins rapides ont été bien documentés dans certains endroits.

L’activité humaine menace d’extinction globale un nombre d’espèces sans précédent.

En moyenne, 25% des espèces appartenant aux groupes d’animaux et de végétaux évalués sont menacés, ce qui suggère qu’environ 1 million d’espèces sont déjà menacées d’extinction, beaucoup dans les décennies à venir, à moins que des mesures ne soient prises pour réduire l’intensité des facteurs à l’origine de la perte de biodiversité. Faute de mesures, l’augmentation du taux global d’espèces menacées d’extinction va encore s’accélérer, alors qu’il est déjà au moins des dizaines voire des centaines de fois plus élevé que la moyenne sur les 10 millions d’années écoulés.

L’Indice Planète Vivante (IPV) 2020 mondial publié par WWF montre un déclin moyen de 68% des 21 000 populations de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons suivies entre 1970 et 2016. Or les variations des populations d’espèces sont un indicateur majeur de la santé globale des écosystèmes.

L’IPV mondial ne nous donne pas une image complète : il existe des différences dans les courbes d’abondance entre régions, les plus forts déclins étant observés dans les zones tropicales. La baisse de 94 % de l’IPV pour les sous-régions tropicales des Amériques est le déclin le plus important jamais observé dans une région. La conversion des prairies, des savanes, des forêts et des zones humides, la surexploitation des espèces, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques sont des facteurs clés de ce déclin.

Par ailleurs, la biodiversité des sols pourtant fondamentale, se réduit fortement. Le sol abrite l’un des plus grands réservoirs de biodiversité sur Terre : jusqu’à 90% des organismes vivants dans les écosystèmes terrestres, y compris certains pollinisateurs passent une partie de leur cycle de vie dans les habitats du sol. La variété des composants du sol, remplis d’air et d’eau, crée une incroyable diversité d’habitats pour une myriade d’organismes du sol distincts qui sous-tendent notre vie sur cette planète Sans la biodiversité des sols, les écosystèmes terrestres risqueraient de s’effondrer. Nous savons maintenant que la biodiversité de surface et la biodiversité souterraine sont en constante collaboration, et une meilleure compréhension de cette relation aidera à mieux prévoir les conséquences de la perte de biodiversité.

Au niveau des pollinisateurs la situation est également très préoccupante. En Europe occidentale et en Amérique du Nord, les programmes de suivis et les études sur le long terme révèlent une diminution extrêmement rapide, récente et continue du nombre d’insectes, de leur répartition ou de leur poids global (biomasse). Le développement de l’agriculture intensive étant survenu plus tôt en Europe occidentale et en Amérique du Nord, les pertes d’insectes qui y sont observées permettent donc d’anticiper les pertes mondiales d’insectes si les perturbations anthropiques et les changements d’utilisation des terres se poursuivent à travers le monde.

Le risque d’extinction des plantes est comparable à celui des mammifères et est plus élevé que celui des oiseaux. Le nombre d’extinctions connues de plantes est deux fois plus élevé que celui des mammifères, des oiseaux et des amphibiens réunis. En outre, l‘évaluation d’un échantillon de milliers d’espèces représentant l’étendue taxonomique et géographique de la diversité végétale mondiale a montré qu’une espèce sur cinq (22%) est menacée d’extinction, la plupart d’entre elles se trouvent sous les tropiques.

À l’échelle mondiale, des variétés et races locales de plantes et d’animaux domestiqués disparaissent.

Cette perte de diversité, notamment génétique, compromet sérieusement la sécurité alimentaire mondiale en affaiblissant la résilience d’un grand nombre de systèmes agricoles face à des menaces telles que les ravageurs, les agents pathogènes et les changements climatiques. De moins en moins de variétés et de races de plantes et d’animaux sont cultivées ou élevées, commercialisées et perpétuées à travers le monde, malgré de nombreux efforts à l’échelle locale, y compris ceux des peuples autochtones et des communautés locales. Ainsi, 559 des 6 190 espèces de mammifères domestiqués utilisés pour l’alimentation et l’agriculture (soit plus de 9%) avaient disparu en 2016 et au moins 1 000 autres sont menacées d’extinction.

Par ailleurs, beaucoup de parents sauvages de plantes cultivées, essentiels pour la sécurité alimentaire à long terme, ne sont pas efficacement protégés et l’état de conservation des parents sauvages des mammifères et des oiseaux domestiqués se dégrade. L’appauvrissement de la diversité des espèces cultivées, des parents sauvages de cultures et des espèces domestiquées diminue la résistance future des agroécosystèmes aux changements climatiques, aux ravageurs et aux agents pathogènes.

Les communautés biologiques se ressemblent de plus en plus, à la fois dans les systèmes gérés et dans les systèmes non gérés, à l’intérieur et entre les régions.

Ce processus induit par l’homme conduit à l’appauvrissement de la biodiversité locale, y compris celle des espèces endémiques, des fonctions écosystémiques et des contributions de la nature aux populations.

L’indice Intégrité de la Biodiversité (IIB) évalue la proportion moyenne de biodiversité présente à l’origine dans les communautés écologiques terrestres d’une région. Il est un indice utile pour mesurer la capacité des écosystèmes à fournir des bénéfices aux populations (services écosystémiques). C’est pourquoi il est utilisé dans le cadre des limites planétaires en tant qu’indicateur de l’intégrité de la biosphère. L’IIB moyen mondial (79%) est bien en deçà de la limite inférieure de sécurité proposée (90%) et il continue de baisser, en particulier en Afrique, ce qui laisse supposer que la biodiversité terrestre de la planète est déjà dangereusement compromise. L’IIB est très faible dans certaines régions comme l’Europe occidentale où l’utilisation intensive des terres perdure depuis des siècles.

L’évolution biologique en réponse aux changements anthropiques peut être rapide, au point que ses effets peuvent être observés en quelques années voire encore plus rapidement.

Les conséquences de cette évolution peuvent être aussi bien favorables que défavorables pour la biodiversité et les écosystèmes, mais peuvent être source d’incertitude quant à la viabilité des espèces, des fonctions écosystémiques et des contributions de la nature aux populations. Il est tout aussi important de comprendre et de surveiller ces changements biologiques évolutifs que les changements écologiques pour prendre des décisions politiques éclairées.

Des stratégies de gestion durables peuvent alors être mises au point pour influer volontairement sur les trajectoires évolutives, afin de protéger les espèces vulnérables et de réduire l’impact des espèces indésirables (telles que les mauvaises herbes, les ravageurs et les agents pathogènes). Le déclin généralisé de l’aire de distribution et de la taille des populations d’un grand nombre d’espèces montre clairement que, si l’adaptation évolutive aux facteurs de changement anthropiques peut être rapide, elle n’est pas toujours suffisante pour l’atténuer complètement.

Les facteurs directs et indirects de changement se sont intensifiés au cours des 50 dernières années.

Le rythme des changements globaux survenus dans la nature au cours des 50 dernières années est inédit dans l’histoire de l’humanité.
Les facteurs directs de changement de la nature ayant eu les incidences les plus lourdes à l’échelle mondiale sont, par ordre décroissant :

  • la modification de l’utilisation des terres et des mers
  • l’exploitation directe des organismes
  • les changements climatiques
  • la pollution
  • les espèces exotiques envahissantes

Ces cinq facteurs directs découlent d’un ensemble de causes sous-jacentes, les facteurs indirects de changement, qui reposent à leur tour sur des valeurs sociales et des comportements incluant les modes de production et de consommation, la dynamique et les tendances démographiques, le commerce, les innovations technologiques et la gouvernance depuis le niveau local jusqu’au niveau mondial. La cadence des changements des facteurs directs et indirects diffère selon les régions et les pays.

Dans les écosystèmes terrestres et d’eau douce, le changement d’utilisation des terres est le facteur direct ayant eu l’incidence relative la plus néfaste sur la nature depuis 1970, suivi par l’exploitation directe, et en particulier la surexploitation des animaux, des plantes et d’autres organismes (collecte, exploitation forestière, chasse et pêche).

Dans les écosystèmes marins, l’exploitation directe des organismes (principalement la pêche) est le facteur qui a eu l’incidence relative la plus importante, suivi par le changement d’utilisation des terres et des mers.

La forme la plus répandue de changement d’utilisation des terres est l’expansion agricole, plus d’un tiers de la superficie terrestre étant utilisée pour les cultures et l’élevage. Cette expansion, en même temps qu’un doublement de la surface occupée par les zones urbanisées depuis 1992 et un développement sans précédent des infrastructures lié à l’augmentation de la population et de la consommation, s’est principalement faite aux dépens des forêts (en grande partie des forêts tropicales primaires), des zones humides et des prairies.

Les écosystèmes d’eau douce sont, quant à eux, menacés par un ensemble de facteurs comprenant essentiellement les changements d’utilisation des terres, y compris l’extraction de l’eau, l’exploitation, la pollution, les changements climatiques et les espèces envahissantes. La biodiversité d’eau douce diminue bien plus rapidement que celle des océans ou des forêts. Sur la base des données disponibles, WWF affirme que près de 90% des zones humides mondiales ont été détruites depuis 1700, et une cartographie mondiale a récemment révélé que des millions de kilomètres de rivières ont été modifiés par l’homme. Ces changements ont eu un impact sévère sur la biodiversité d’eau douce, une forte baisse démographique a été constatée sur les espèces suivies. Les 3741 populations suivies – représentant 944 espèces de mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons – dans l’Indice Planète Vivante Eau Douce ont diminué en moyenne de 84%, ce qui équivaut à 4% par an depuis 1970 ! La plupart des déclins sont observés chez les amphibiens, les reptiles et les poissons d’eau douce. Ils sont enregistrés dans toutes les régions, en particulier en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Les activités humaines ont un impact important et étendu sur tous les océans de la planète. Ces activités comprennent l’exploitation directe, en particulier la surexploitation des poissons, des crustacés et d’autres organismes, la pollution d’origine terrestre et marine, notamment en provenance des réseaux fluviaux, et les changements d’utilisation des terres et des mers, notamment le développement des infrastructures et de l’aquaculture dans les zones littorales.

Comme le note WWF dans son rapport Planète Vivante 2020, 75% de la surface terrestre libre de glace a déjà été considérablement altérée, la plupart des océans sont pollués et les zones humides ont perdu plus de 85 % de leur superficie.

Les changements climatiques sont un facteur de changement direct qui exacerbe de façon croissante l’impact d’autres facteurs sur la nature et le bien-être humain.

Les facteurs anthropiques sont estimés être à l’origine d’un réchauffement observé d’environ 1,0°C en 2017 par rapport aux niveaux préindustriels, avec des températures moyennes en augmentation de 0,2°C par décennie au cours des 30 dernières années. La fréquence et l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que les incendies, les inondations et les sécheresses qu’ils entraînent, ont augmenté au cours des 50 dernières années, tandis que le niveau moyen des mers à l’échelle mondiale a augmenté de 16 à 21 cm depuis 1900, à raison de plus de 3 mm par an au cours des 20 dernières années.

Ces changements ont contribué à des impacts généralisés sur de nombreux aspects de la biodiversité, notamment sur la répartition des espèces, la phénologie, la dynamique des populations, la structure des communautés et le fonctionnement des écosystèmes. L’observation montre que les effets s’accélèrent dans les écosystèmes marins, terrestres et d’eau douce et qu’ils ont déjà un impact sur l’agriculture, l’aquaculture, la pêche et les contributions de la nature aux populations. Les effets aggravants des facteurs tels que les changements climatiques, les changements d’utilisation des terres et des mers, la surexploitation des ressources, la pollution et les espèces exotiques envahissantes exacerbent vraisemblablement les impacts négatifs sur la nature, comme il a été observé dans différents écosystèmes, y compris les récifs coralliens, les systèmes arctiques et les savanes.

Différents types de pollution, ainsi que les espèces exotiques envahissantes, prennent de l’ampleur, avec des effets néfastes sur la nature.

Bien que les tendances au niveau mondial soient variées, la pollution de l’air, de l’eau et du sol continue d’augmenter dans certaines régions.

La pollution marine par les plastiques, en particulier, a été multipliée par dix depuis 1980, affectant au moins 267 espèces, dont 86% des tortues marines, 44% des oiseaux marins et 43% des mammifères marins. Ceci peut affecter les humains au travers des chaînes alimentaires.

Les émissions de gaz à effet de serre, les déchets urbains et ruraux non traités, les polluants issus de l’activité industrielle, minière et agricole, les déversements d’hydrocarbures et les décharges sauvages de déchets toxiques ont des effets désastreux sur les sols, la qualité des eaux douces et marines, et l’atmosphère.

La présence cumulative d’espèces exotiques s’est accrue de 40% depuis 1980, et est associée à l’intensification des échanges commerciaux ainsi qu’à la dynamique et aux tendances démographiques. Près du cinquième de la surface terrestre est menacé par des invasions végétales et animales nuisibles aux espèces endémiques, aux fonctions écosystémiques et aux contributions de la nature aux populations, ainsi qu’à l’économie et à la santé humaine. Le taux d’introduction de nouvelles espèces exotiques envahissantes semble s’accélérer plus que jamais et ne montre aucun signe de ralentissement.

La population humaine a doublé au cours des 50 dernières années, la croissance économique mondiale a presque quadruplé et le volume du commerce mondial a décuplé, entraînant une hausse de la demande d’énergie et de matériaux.

Divers facteurs économiques, politiques et sociaux, y compris le commerce mondial et la dissociation spatiale entre production et consommation, ont déplacé les gains et les pertes économiques et écologiques de la production et de la consommation, offrant de nouvelles opportunités économiques, mais provoquant aussi de nouveaux impacts sur la nature et ses contributions.

Les niveaux de consommation de biens matériels (alimentation humaine et animale, bois et fibres) varient considérablement et les inégalités d’accès aux biens de consommation peuvent être associées à des injustices et conduire à des conflits sociaux.

Les échanges économiques contribuent globalement au développement de l’économie, mais ils font souvent l’objet de négociations entre acteurs et institutions impliquant des rapports de force inégaux, influant sur la répartition des bénéfices et les coûts à long terme. Pour un gain de croissance économique donné, les pays subissent différents degrés de détérioration de la nature selon leur niveau de développement. L’exclusion, les pénuries et/ou la répartition inégale des contributions de la nature aux populations, peuvent, dans le cadre d’interactions complexes avec d’autres facteurs, être à l’origine d’instabilité et de conflits sociaux. Les conflits armés ont un impact sur les écosystèmes, en plus de leurs effets de déstabilisation sur les sociétés humaines ainsi que divers effets indirects, notamment des déplacements de populations et d’activités.

Les mesures d’incitation économique favorisent généralement une expansion de l’activité économique au détriment de la conservation et de la restauration, causant souvent des dommages à l’environnement.

La prise en considération des multiples valeurs des fonctions écosystémiques et des contributions de la nature aux populations dans les mesures d’incitation économique a pourtant montré de meilleurs résultats sur les plans écologique, économique et social.

Des initiatives de gouvernance menées à tous les niveaux – national, régional et local – ont permis d’améliorer les résultats de cette manière en soutenant les politiques, l’innovation et la suppression des subventions nuisibles à l’environnement, en prenant des mesures d’incitation tenant compte de la valeur des contributions de la nature aux populations, en s’orientant vers une gestion durable de l’utilisation des terres et des mers et en faisant appliquer les réglementations pertinentes, entre autres.

Les mesures d’incitation et politiques économiques nuisibles associées à des pratiques non durables dans les secteurs de la pêche, de l’aquaculture et de l’agriculture (notamment l’usage d’engrais et de pesticides), de l’élevage, de l’activité minière et de l’énergie (notamment les combustibles fossiles et les biocarburants) sont souvent liées à des changements dans l’utilisation des terres et des mers, à la surexploitation des ressources naturelles, ainsi qu’à des moyens de production et une gestion des déchets inefficaces. Les intérêts particuliers dans ces secteurs peuvent s’opposer à la suppression des subventions ou à l’adoption d’autres politiques.

Pourtant, des réformes politiques s’attaquant aux causes profondes des dommages causés à l’environnement offrent la possibilité aussi bien de conserver la nature que de fournir des bénéfices économiques, surtout si ces politiques reposent sur une compréhension plus juste et plus complète des multiples valeurs des contributions de la nature.

Les espaces naturels gérés par les peuples autochtones et les communautés locales subissent une pression accrue.

La dégradation est généralement moins rapide sur les territoires gérés par les peuples autochtones que sur les autres, cependant ils continuent de se dégrader, tout comme les savoirs qui permettent d’en assurer la gestion. Au moins un quart de la surface terrestre émergée est possédée, gérée, utilisée ou occupée traditionnellement par des peuples autochtones. Ces aires comprennent environ 35% des zones qui sont officiellement protégées et quelque 35% de l’ensemble de la surface terrestre restante soumise à une intervention humaine très réduite. Par ailleurs, un large éventail de communautés locales – notamment agriculteurs, pêcheurs, éleveurs, chasseurs et usagers forestiers – gèrent d’importantes surfaces sous divers régimes d’accès et fonciers.

Parmi les indicateurs locaux élaborés et utilisés par les peuples autochtones et les communautés locales, 72% font apparaître des tendances négatives dans les aspects de la nature qui sous-tendent les moyens de subsistance et le bien-être. Les espaces naturels gérés par les peuples autochtones et les communautés locales sous divers régimes d’accès et fonciers sont confrontés à l’extraction croissante de ressources, la production de produits primaires, l’activité minière, les infrastructures énergétiques et de transports, avec des répercussions diverses pour les moyens de subsistance et la santé des communautés locales. Certains programmes d’atténuation des changements climatiques ont des effets négatifs sur les peuples autochtones et les communautés locales.

Les impacts négatifs de toutes ces pressions comprennent la perte constante de moyens de subsistance traditionnels due à la déforestation récurrente, la perte de zones humides, l’activité minière, l’expansion de pratiques non durables dans les secteurs de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche et les effets de la pollution et de l’insécurité hydrique sur la santé et le bien-être. Ces impacts remettent également en cause les modes de gestion traditionnels, la transmission des savoirs autochtones et locaux, la possibilité de partager les bienfaits découlant de l’utilisation de la biodiversité sauvage et domestiquée qui intéressent également la société au sens large, ainsi que la capacité des peuples autochtones et des communautés locales à conserver et gérer durablement cette biodiversité.

Les trajectoires actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs de conservation et d’exploitation durable de la nature et de parvenir à la durabilité, et les objectifs pour 2030 et au-delà ne peuvent être réalisés que par des changements en profondeur sur les plans économique, social, politique et technologique.

La mise en œuvre des stratégies et mesures de conservation et de gestion plus durable de la nature a progressé, produisant certains résultats positifs concernant des scénarios de non-intervention, mais n’a pas suffisamment progressé pour enrayer les facteurs directs et indirects de dégradation de la nature.

Par conséquent, il est probable que la plupart des objectifs d’Aichi relatifs à la diversité biologique pour 2020 ne soient pas atteints. Certains des objectifs d’Aichi seront partiellement atteints, par exemple ceux concernant les mesures stratégiques comme l’étendue spatiale des aires protégées terrestres et marines, l’identification et la hiérarchisation des espèces exotiques envahissantes, les stratégies et plans d’action nationaux pour la diversité biologique et le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique.

Toutefois, bien que les aires protégées couvrent désormais 15% des milieux terrestres et d’eau douce et 7% du domaine marin, elles ne comprennent qu’une partie des sites importants pour la biodiversité et ne sont pas encore pleinement représentatives sur le plan écologique ni gérées de manière efficace ou équitable.

Les flux d’aide à la biodiversité ont atteint 8,7 milliards de $ par an, avec une augmentation significative de l’aide publique au développement à l’appui de la Convention sur la diversité biologique ainsi que du financement accordé par le Fonds pour l’environnement mondial. Toutefois, les fonds actuellement mobilisés auprès de toutes les sources ne sont pas suffisants pour atteindre les objectifs d’Aichi.

Par ailleurs, seul un cinquième des objectifs stratégiques et buts fixés par six accords internationaux relatifs à la nature et à la protection du patrimoine environnemental mondial sont incontestablement en voie de réalisation. Pour près d’un tiers des objectifs définis dans ces conventions, les progrès ont été limités ou inexistants, voire négatifs dans certains cas.

La nature est essentielle pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Cependant, sachant que les objectifs de développement durable sont intégrés et indissociables, et qu’ils sont mis en œuvre au niveau des pays, les tendances négatives qui prévalent actuellement concernant la biodiversité et les écosystèmes compromettront la progression vers 35 des 44 cibles (80%) définies dans les objectifs relatifs à la pauvreté, à la faim, à la santé, à l’eau, aux villes, au climat, aux océans et aux terres (objectifs de développement durable 1, 2, 3, 6, 11, 13, 14, et 15).

D’importantes synergies positives ont été identifiées entre la nature et les objectifs ayant trait à l’éducation, à l’égalité des sexes, à la réduction des inégalités et à la promotion de la paix et de la justice (objectifs de développement durable 4, 5, 10 et 16). L’insécurité foncière et la précarité des régimes d’exploitation des ressources, ainsi que le déclin de la nature, sont plus préjudiciables aux femmes et aux filles, qui en subissent le plus souvent les effets néfastes. Toutefois, l’orientation et la formulation actuelles des cibles définies dans ces objectifs masquent ou omettent leur relation à la nature, et ne permettent donc pas d’en faire l’examen dans le cadre de la présente évaluation.

Il est crucial que les objectifs politiques, les indicateurs et les ensembles de données tiennent compte à l’avenir, de façon plus explicite, des différents aspects de la nature et de leur contribution au bien-être humain, afin de suivre plus efficacement les conséquences des tendances de la nature sur les objectifs de développement durable. Certains des moyens choisis pour réaliser les objectifs relatifs à l’énergie, à la croissance économique, à l’industrie et aux infrastructures, et à la consommation et la production durables (objectifs de développement durable 7, 8, 9 et 12), ainsi que les cibles liées à la pauvreté, à la sécurité alimentaire et aux villes (objectifs de développement durable 1, 2 et 11), pourraient avoir une incidence positive ou négative sur la nature et, par conséquent, sur la réalisation d’autres objectifs de développement durable.

Les régions du monde où il est prévu que les conséquences des changements mondiaux en matière de climat, de biodiversité et de contributions de la nature aux populations soient fortement ressenties sont également celles qui abritent de fortes proportions de peuples autochtones et nombre des communautés les plus pauvres du monde.

Ces communautés, parce qu’elles dépendent fortement de la nature et de ses contributions pour leur subsistance, leur santé et leur existence, seront démesurément touchées par ces changements négatifs. Ces incidences néfastes influent aussi sur l’aptitude des peuples autochtones et des communautés locales à gérer et conserver la biodiversité sauvage, cultivée ou domestiquée ainsi que les contributions aux populations.

Les peuples autochtones et les communautés locales collaborent entre elles et avec diverses autres parties prenantes pour affronter activement ces problèmes, dans le cadre de systèmes de cogestion et de réseaux de surveillance locaux et régionaux et en redynamisant et en adaptant les systèmes de gestion locaux. Les scénarios régionaux et mondiaux ne tiennent pas explicitement compte des vues, des perspectives et des droits des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que de leurs connaissances et de leur compréhension de grandes régions et d’écosystèmes étendus, et des voies de développement qu’ils souhaiteraient suivre.

Excepté dans les scénarios comportant des changements en profondeur, les tendances négatives de la nature, des fonctions écosystémiques et de bon nombre des contributions de la nature aux populations devraient se poursuivre jusqu’en 2050 et au-delà, en raison des incidences prévues des changements d’utilisation des terres et des mers, de l’exploitation des organismes et des changements climatiques croissants.

Les incidences néfastes de la pollution et des espèces exotiques envahissantes aggraveront vraisemblablement ces tendances. Il existe d’importantes différences régionales dans les distributions projetées de la biodiversité et des fonctions écosystémiques, ainsi que des pertes et changements dans les contributions de la nature aux populations.

Ces écarts sont la conséquence de facteurs de changement directs et indirects, qui devraient avoir un impact différent selon les régions. Bien que toutes les régions du monde soient, d’après les projections, menacées par un déclin continu de leur biodiversité, les régions tropicales sont exposées à une combinaison particulière de risques résultant de l’interaction entre les changements climatiques, le changement d’utilisation des terres et l’exploitation halieutique. La biodiversité marine et terrestre dans les régions boréales, subpolaires et polaires devrait décliner essentiellement en raison du réchauffement, du recul des glaces et de l’acidification accrue des océans. L’ampleur des répercussions et les différences entre régions sont beaucoup plus importantes dans les scénarios prévoyant une progression rapide de la population humaine ou de la consommation que dans les scénarios fondés sur la durabilité.

Agir immédiatement et simultanément sur de multiples facteurs directs et indirects peut ralentir, enrayer et même inverser certains aspects de la perte de biodiversité et d’écosystèmes.

Il est prévu que les changements climatiques prennent toujours plus d’importance en tant que facteurs directs de changement de la nature et de ses contributions aux populations au cours des prochaines décennies.

Les scénarios montrent que la réalisation des objectifs de développement durable et de la Vision 2050 pour la biodiversité dépend de la prise en compte des incidences des changements climatiques dans la définition des buts et objectifs futurs. Les futures incidences des changements climatiques sont appelées à se renforcer au cours des prochaines décennies, s’accompagnant d’effets relatifs variables selon le scénario et la région géographique. Les scénarios prévoient que les changements climatiques auront des effets majoritairement défavorables sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes, et ces effets sont exacerbés, parfois de manière exponentielle, par le réchauffement graduel de la planète.

Même avec un réchauffement mondial de 1,5°C à 2°C, la plupart des aires de répartition des espèces terrestres devraient rétrécir considérablement. Ces changements de répartition peuvent affecter négativement la capacité de conservation des aires protégées terrestres, augmenter fortement le remplacement des espèces localement et accroître considérablement le risque d’extinction à l’échelle mondiale. Par exemple, selon les estimations d’une synthèse portant sur de nombreuses études, la proportion d’espèces menacées d’extinction du fait du climat se situe à 5% avec un réchauffement de 2°C, mais passe à 16% avec un réchauffement de 4,3°C.

Les récifs coralliens sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques et devraient décliner jusqu’à 10-30% de leur couverture originale avec un réchauffement de 1,5°C, et à moins de 1% avec un réchauffement de 2°C. Les scénarios montrent donc que le fait de maintenir le réchauffement planétaire bien en-dessous de 2°C joue un rôle critique dans la réduction des effets néfastes sur la nature et ses contributions aux populations.

Il est possible de conserver, de restaurer et d’utiliser la nature de manière durable et, en même temps, d’atteindre d’autres objectifs sociétaux à l’échelle mondiale en déployant de toute urgence des efforts concertés qui entraînent des changements en profondeur.

L’environnement mondial peut être préservé en renforçant la coopération internationale et les liens entre les mesures pertinentes prises au niveau local.

L’examen et le renouvellement des objectifs et buts environnementaux internationaux sur la base des meilleures connaissances scientifiques disponibles, ainsi que l’adoption et le financement généralisés par tous les acteurs, y compris les individus, de mesures de conservation, de restauration écologique et d’utilisation durable, sont essentiels à cette préservation.

L’adoption généralisée de telles mesures implique la progression et l’harmonisation des efforts locaux, nationaux et internationaux en matière de durabilité et l’intégration de la biodiversité et de la durabilité dans tous les secteurs d’extraction et de production, y compris l’industrie minière et les secteurs de la pêche, de la foresterie et de l’agriculture, de façon à ce que les actions individuelles et collectives se conjuguent pour inverser la dégradation des services écosystémiques à l’échelle mondiale.

Des changements aussi radicaux dans les facteurs directs de la dégradation de la nature ne seront pas possibles sans un changement en profondeur répondant en même temps aux facteurs indirects à l’origine de cette détérioration.

Cinq grands types d’interventions (leviers) peuvent produire des changements en profondeur en luttant contre les facteurs indirects sous-jacents de la dégradation de la nature.

L’emploi de ces leviers implique de :

  1. Créer des mesures d’incitation et renforcer les capacités dans le domaine de la responsabilité environnementale, et éliminer les incitations perverses
  2. Réformer les processus sectoriels et segmentés de prise de décisions afin de promouvoir une intégration entre secteurs et juridictions
  3. Prendre des mesures de prévention et de précaution relatives aux entreprises et institutions de réglementation et de gestion pour éviter, atténuer et corriger la dégradation de la nature, et assurer le suivi des résultats
  4. Prévoir des systèmes sociaux et écologiques résilients face à l’incertitude et la complexité, capables de décisions fortes dans un large éventail de scénarios
  5. Renforcer les lois et les politiques environnementales et leur mise en œuvre, ainsi que l’état de droit en général.

Ces cinq leviers pourraient nécessiter de nouvelles ressources, en particulier dans les contextes de faible capacité, comme dans bon nombre de pays en développement.

Les transformations en direction de la durabilité ont de meilleures chances de réussite lorsque les mesures sont axées sur les leviers critiques suivants, pour lesquels les efforts déployés donnent de particulièrement bons résultats.

Spécifiquement, les changements suivants se renforcent mutuellement :

  1. Permettre des visions d’une bonne qualité de vie qui n’impliquent pas une consommation matérielle toujours croissante
  2. Réduire la consommation totale et les déchets, notamment en traitant différemment dans des contextes différents aussi bien la croissance démographique que la consommation par habitant
  3. Rappeler les valeurs existantes et largement partagées concernant la responsabilité, afin qu’elles influent sur les nouvelles normes sociales pour la durabilité, et étendre en particulier la notion de responsabilité de manière à inclure les effets associés à la consommation
  4. Traiter les inégalités, en particulier de revenu et de genre, qui compromettent la capacité en matière de durabilité
  5. Garantir un processus décisionnel inclusif, un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources, ainsi que le respect des droits de l’homme dans les décisions portant sur la conservation
  6. Rendre compte de la dégradation de la nature découlant des activités économiques locales et des interactions socioéconomiques-environnementales à distance (télécouplages) comme, par exemple, le commerce international
  7. Assurer une innovation technologique et sociale respectueuse de l’environnement, prenant dûment en compte les possibles effets de rebond et les régimes d’investissement
  8. Promouvoir l’éducation, la production de connaissances et la conservation de différents systèmes de connaissances, y compris les sciences et les savoirs autochtones et locaux se rapportant à la nature, à la conservation et à l’utilisation durable.

La nature et la trajectoire des transformations pourront varier selon les contextes, avec des défis et besoins différents dans les pays en développement et les pays développés notamment.

Il est possible de réduire les risques liés aux inévitables incertitudes et complexités des transformations requises pour parvenir à la durabilité au moyen de démarches de gouvernance intégrées, inclusives, informées et évolutives. Ce type de démarche tient généralement compte des synergies et des compromis entre les objectifs sociétaux et les diverses voies possibles, ainsi que de la diversité des valeurs et des conditions économiques, des injustices, des déséquilibres dans les rapports de pouvoir et des intérêts particuliers existant dans la société.

Les stratégies de réduction des risques comprennent généralement un apprentissage fondé sur une combinaison de mesures préventives et de connaissances existantes et nouvelles. Ces approches permettent aux différentes parties prenantes de participer à la coordination des politiques entre les secteurs et à la création d’équilibres stratégiques localement pertinents pour l’application d’instruments politiques ayant fait leurs preuves.

Le secteur privé peut jouer un rôle, en partenariat avec d’autres acteurs, y compris les administrations nationales et infranationales et la société civile ; par exemple, les partenariats public-privé dans le secteur de l’eau ont été un important outil de financement des investissements pour la réalisation des objectifs de développement durable.

On peut citer, au nombre des mesures efficaces, l’expansion et le renforcement de réseaux d’aires protégées écologiquement représentatives et bien connectées, et d’autres mesures de conservation efficaces par zone, la protection des bassins versants, ainsi que les mesures d’incitation et les sanctions tendant à réduire la pollution.

La reconnaissance des savoirs, des innovations et des pratiques, et des institutions et des valeurs des peuples autochtones et des communautés locales ainsi que leur intégration et leur participation à la gouvernance environnementale améliore généralement leur qualité de vie, ainsi que la conservation et la restauration de la nature et son utilisation durable, ce qui a également une incidence sur l’ensemble de la société.

La gouvernance, notamment les institutions et les systèmes de gestion coutumiers, et les régimes de cogestion impliquant les peuples autochtones et les communautés locales peuvent être un moyen efficace de préserver la nature et ses contributions aux populations, en intégrant des savoirs autochtones et locaux et des systèmes de gestion localement pertinents.

Les contributions positives fournies par les peuples autochtones et les communautés locales en matière de durabilité peuvent être facilitées en reconnaissant, au niveau national, le régime foncier d’occupation des terres, l’accès et les droits aux ressources conformément à la législation nationale, le principe de l’obtention du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, une collaboration renforcée, un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation de la nature, et des modalités de cogestion avec les communautés locales.

Nourrir l’humanité et améliorer la conservation et l’utilisation durable de la nature sont des objectifs complémentaires et étroitement interdépendants qu’il est possible d’atteindre au moyen de systèmes agricoles, aquacoles et d’élevages intensifs durables, de la préservation des espèces, des variétés, et des races animales autochtones, des habitats naturels et de la restauration écologique.

Les mesures spécifiques incluent la promotion de pratiques agricoles durables, telles que l’aménagement multifonctions des paysages et la gestion intégrée intersectorielle, qui permettent d’appuyer la conservation génétique et la biodiversité agricole connexe.

Parmi les mesures supplémentaires visant à permettre la réalisation simultanée de la sécurité alimentaire, de la protection de la biodiversité et de l’utilisation durable, se trouvent les mesures contextuellement appropriées d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces derniers, et intégrant des savoirs issus de différents systèmes, y compris les sciences et les pratiques autochtones et locales durables, évitant le gaspillage alimentaire, favorisant la responsabilisation des producteurs et des consommateurs afin de transformer les chaînes d’approvisionnement, et rendant possibles des choix alimentaires sains et durables.

Dans le cadre de la gestion et de l’aménagement intégré des paysages, la restauration écologique rapide mettant l’accent sur l’utilisation d’espèces autochtones peut contrebalancer la dégradation actuelle et sauver de nombreuses espèces menacées, mais son efficacité est moindre en cas d’application retardée.

Il est possible de parvenir à conserver les ressources halieutiques et les espèces et écosystèmes marins au moyen d’une combinaison de mesures coordonnées sur terre, dans les eaux douces et dans les océans, y compris une coordination entre les parties prenantes à différents niveaux concernant l’utilisation des ressources en haute mer.

Les mesures spécifiques pourraient comprendre, par exemple, des approches écosystémiques de gestion des ressources halieutiques, l’aménagement de l’espace, des quotas de pêche effectifs, des aires protégées marines, la protection et la gestion des zones importantes de biodiversité marine, la réduction de la pollution par ruissellement dans les océans et la collaboration étroite avec les producteurs et les consommateurs.

Il est important de promouvoir le renforcement des capacités en vue d’adopter des pratiques exemplaires de gestion des ressources halieutiques ; d’adopter des mesures de promotion du financement de la conservation et de la responsabilité sociale des entreprises ; d’élaborer de nouveaux instruments juridiques contraignants ; d’appliquer et de faire respecter les accords internationaux pour une pêche responsable ; et de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Les activités d’atténuation des changements climatiques axées sur l’utilisation des terres peuvent être efficaces et contribuer à la réalisation des objectifs de conservation.

Cependant, la mise en place à grande échelle de plantations bioénergétiques et le boisement d’écosystèmes non forestiers peuvent engendrer des effets négatifs pour la biodiversité et les fonctions écosystémiques. Il est estimé que les solutions naturelles accompagnées de garanties représenteront 37% des mesures d’atténuation des changements climatiques qui seront nécessaires d’ici à 2030 pour atteindre l’objectif d’un réchauffement inférieur à 2°C, et engendreront probablement des retombées positives en matière de biodiversité.

Par conséquent, des mesures relatives à l’occupation des sols sont indispensables, associées à des mesures vigoureuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation de combustibles fossiles et d’autres activités industrielles et agricoles.

Cependant, la mise en place à grande échelle de plantations bioénergétiques intensives, y compris de monocultures, qui remplaceraient les forêts naturelles et les terres agricoles de subsistance, aurait probablement un impact négatif sur la biodiversité et menacerait la sécurité alimentaire, la sécurité de l’approvisionnement en eau et les moyens d’existence locaux, notamment en aggravant les conflits sociaux.

Les solutions naturelles et respectueuses de l’environnement peuvent être des mesures économiques pour réaliser les objectifs de développement durable dans les villes, lesquelles sont essentielles pour la durabilité à l’échelle mondiale.

Un recours accru à des infrastructures vertes et à d’autres approches écosystémiques peut contribuer au développement urbain durable tout en renforçant l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ces derniers. Les zones clés de biodiversité urbaine devraient être préservées.

Parmi ces solutions, on trouve la préservation et la modernisation des infrastructures vertes et bleues, telles que la création et l’entretien des espaces verts et des masses d’eau respectueuses de la biodiversité, l’agriculture urbaine, les toits aménagés en jardins et une couverture végétale étendue et accessible intégrée aux zones urbaines et périurbaines existantes et nouvelles.

Dans les zones urbaines et les zones rurales environnantes, des infrastructures vertes peuvent être apportées en complément des infrastructures « grises » de grande envergure dans des domaines comme, par exemple, la protection contre les crues, la régulation des températures, l’assainissement de l’air et de l’eau, le traitement des eaux usées et la production d’énergie, d’aliments locaux et de bienfaits pour la santé résultant de l’interaction avec la nature.

L’évolution des systèmes financiers et économiques mondiaux en vue de la création d’une économie mondiale durable s’écartant de l’actuel paradigme, limité, de la croissance économique, est un élément incontournable du développement durable.

Cela implique d’intégrer la réduction des inégalités aux voies de développement, de réduire la surconsommation et le gaspillage et de lutter contre les impacts environnementaux, tels que les aspects externes des activités économiques, du niveau local au niveau mondial.

Une telle évolution s’appuierait sur une combinaison de politiques et d’outils, y compris des programmes d’incitation, des certifications et des normes de performance, et sur une fiscalité plus cohérente à l’échelle internationale, au moyen d’accords multilatéraux et d’un renforcement de la surveillance et de l’évaluation de l’environnement.

Elle impliquerait également un dépassement des indicateurs économiques traditionnels, tels que le produit intérieur brut, afin d’en intégrer d’autres mieux à même de rendre compte d’une vision plus globale et à long terme de l’économie et de la qualité de vie.

Comme l’écrit WWF dans son rapport Planète Vivante 2020 :


« Nous pouvons estimer la valeur du « capital naturel » – le stock de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables de la planète, tels que les plantes, les sols et les minéraux – ainsi que les valeurs du capital productif et humain – par exemple, les routes et les compétences – qui forment ensemble une mesure de la richesse réelle d’un pays.

Les données du Programme des Nations unies pour l’environnement montrent que notre stock mondial de capital naturel, par personne, a diminué de près de 40 %, tandis que le capital productif a doublé et le capital humain a augmenté de 13 % depuis le début des années 1990.

Mais trop peu de nos décideurs économiques et financiers savent comment interpréter ce que cela veut dire ou, pire encore, ils choisissent de ne pas l’entendre. L’un des principaux problèmes est l’inadéquation entre la « grammaire économique » artificielle qui anime les politiques publiques et privées, et la « syntaxe de la nature » qui détermine le fonctionnement du monde réel. La conséquence est que nous ne comprenons pas le message.

Donc, si le langage de l’économie fait défaut, comment et où commencer pour trouver les meilleures réponses ? Contrairement aux modèles standard de croissance économique et de développement, nous placer nous-mêmes et nos économies au cœur de la nature nous aide à accepter que notre prospérité soit en fin de compte limitée par celle de notre planète.

Cette nouvelle grammaire doit diffuser partout, des salles de classe aux salles de conférences, et des conseils locaux aux services gouvernementaux nationaux. Cela modifie en profondeur ce que nous entendons par croissance économique soutenable, et aide nos dirigeants à prendre de meilleures décisions qui nous assurent, ainsi qu’aux générations futures, des vies plus saines, plus vertes et plus heureuses que de plus en plus d’entre nous disent aspirer à.

Désormais, la protection et l’amélioration de notre environnement doivent être au cœur de la manière dont nous atteignons la prospérité économique. »

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