Agriculture / alimentation

Le système agricole a des impacts environnementaux considérables. Il est responsable de 20% des émissions nationales de gaz à effet de serre et 24% de l'empreinte carbone de la France. Il est également un utilisateur glouton d'eau, de phosphore et de pesticides qui font des ravages chez les pollinisateurs. Il est crucial que nous diminuions drastiquement cette empreinte en réorientant massivement notre alimentation, nos types d'exploitations et nos techniques agricoles.

NB : La fiche ci-dessous s’appuie principalement sur l’analyse du Réseau Action Climat et le rapport annuel 2020 du Haut Conseil pour le Climat (HCC).

Impacts écologiques et sociaux

La production agricole représente 20 % des émissions territoriales françaises de gaz à effet de serre (GES). Ce chiffre comprend les GES liées à l’élevage, l’épandage d’engrais azotés, les serres et engins agricoles, etc. émises sur le sol français. Tandis que les émissions de GES liées à l’alimentation des ménages français représentent 24 % de leur empreinte carbone (incluant, en plus des étapes de production agricole, la transformation alimentaire, le commerce des biens alimentaires, la fabrication des emballages et la gestion des déchets, le transport et la réfrigération).

Ces émissions proviennent de l’élevage (48 %), des cultures (41 %), ainsi que des tracteurs, engins et chaudières agricoles (11 %). Les émissions de l’agriculture sont avant tout liées à des processus biologiques : méthane émis par la fermentation entérique des ruminants et les effluents d’élevage, protoxyde d’azote principalement émis par les sols agricoles après fertilisation azotée minérale ou organique (engrais). Le système agricole et alimentaire industriel est fortement importateur et utilisateur d’intrants (produits phytosanitaires, engrais azotés de synthèse, alimentation pour les animaux, etc.), ce qui accroît ses émissions de GES.

Selon le rapport annuel 2020 du HCC, le secteur agricole ne semble pas engagé sur une trajectoire susceptible de permettre d’atteindre les objectifs de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) à l’horizon 2030. En effet, en équivalent CO2, les trente dernières années n’ont permis de réaliser au mieux que la moitié des réductions nécessaires par gaz à l’horizon 2030. Les émissions en CO2 ont baissé de 1 % par rapport à 1990 (contre un objectif de la SNBC de 26 % en 2030), de 10 % pour le CH4 (pour un objectif de 23 % en 2030) et de 9 % pour le N2O (pour un objectif de 20 % en 2030).

Au-delà des impacts en matière d’émissions de GES, l’agriculture intensive est responsable au niveau mondial de dégâts environnementaux colossaux. Elle réalise 70 % des prélèvements d’eau potable dans le monde (et jusqu’à 95 % dans certains pays en développement !). En outre, 90 % du phosphore extrait est utilisé comme engrais pour l’agriculture industrielle, ce qui menace d’épuisement cette ressource fondamentale à la vie. L’utilisation massive des pesticides a un impact mortel prouvé sur la biodiversité, en particulier les insectes pollinisateurs, pourtant indispensables à la perpétuation de la vie. Enfin, dans certaines régions du monde, de mauvais drainages ont salinisé et tué les sols, comme par exemple dans la mer d’Aral, les bassins du Gange et de l’Indus, du fleuve jaune et de l’Euphrate, ou la vallée de San Joaquim.

 

Le système agricole on l’a vu a un impact environnemental important. Il peut aussi être une force positive pour le climat par sa capacité à absorber le CO2 (ce qu’on appelle un puits de carbone). Selon le HCC, le puits de carbone net annuel du secteur de l’UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie) a augmenté de 17 % entre 1990 et 2018, mais après une augmentation jusqu’en 2008, s’est amorcée une décroissance et une quasi-stagnation du puits net de carbone est anticipée jusqu’en 2030 dans la SNBC.

  • Les puits de carbone sont principalement constitués de forêts (qui stockent 49,5 Mt éqCO2 en 2018). Leurs capacités de stockage dépendent non seulement de la surface couverte, en croissance régulière depuis les années 80 (couvrant 31 % du territoire en 2018 selon l’inventaire forestier) mais aussi de la qualité de la forêt (âge des peuplements, modes d’exploitation, etc.). Les dommages créés par des tempêtes, des incendies et des sécheresses (variabilité climatique) affectent la santé des forêts et réduisent leur fonction de puits de carbone. Ces différents effets ont amené à une croissance forte du puits forestier entre 1990 et 2008 (+86 %) mais à une réduction depuis.
  • La capture du carbone dans les sols agricoles, bien qu’encore mal quantifiée n’évolue pas au rythme nécessaire. La SNBC, prévoit en 2030 un quasi-équilibre entre le déstockage réduit des terres cultivées et le stockage renforcé dans les prairies.
  • À cela s’ajoute le déstockage dû principalement à l’artificialisation des sols. L’urbanisation, l’imperméabilisation des voiries, etc., ont conduit à augmenter de 38 % les zones artificielles entre 1990 et 2018 et à diminuer les prairies par retournement (-20 % entre 1990 et 2018).

Enfin, en sus des émissions et puits territoriaux liés à l’agriculture, il existe des émissions et déstockages liés à la déforestation importée. Pour l’UE27, elle concerne 9 millions d’hectares, principalement du fait de l’importation de viandes et de produits animaux, ainsi que de protéines destinées à l’alimentation des animaux comme le soja, et concerne principalement l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. Ces émissions de la déforestation importée, évaluées récemment à environ 27 Mt éqCO2 par an, ne sont pas maîtrisées et ne rentrent pas actuellement dans le calcul de l’empreinte carbone de la France.

Axes de solutions

L’objectif inscrit dans le texte de la stratégie nationale bas carbone est de diviser par 2 les émissions de GES du secteur agricole d’ici à 2050.

On peut distinguer 2 grands axes de solutions : du côté de la consommation, revoir fondamentalement notre alimentation ; du côté de la production, accélérer le déploiement des modes d’élevage et de culture plus respectueux du vivant et sobre en carbone.

Du côté de la consommation, la transition alimentaire devra à la fois comprendre une évolution du régime alimentaire (moins de viande et de produits laitiers, davantage de fruits et légumes, frais et secs, moins de sucre et produits gras et plus de variété), un plus grand recours à des aliments de qualité (bio, label rouge, appellation d’origine protégée, etc.) mais aussi davantage de produits locaux et de saison, moins d’emballages et de gaspillage alimentaire, etc. Elle pourra se faire grâce à une information des consommateurs indépendante et claire, des politiques ambitieuses pour la restauration collective, le déploiement massif de magasins bio, d’AMAP (voir les fiches correspondantes), etc. De telles réorientations seront à même de soutenir les acteurs des filières de qualité.

On observe déjà de bonnes nouvelles dans les comportements alimentaires des Français. Sous l’effet de plusieurs facteurs conjugués, tels que l’augmentation des prix, l’accroissement de la sensibilité à l’environnement et au bien-être animal, et le souci de santé, la consommation de produits carnés a diminué de 12 % en dix ans, même si elle se stabilise depuis 2014. Selon l’Agence Bio (juillet 2020), l’agriculture biologique continue à monter en puissance avec un doublement des surfaces bio en 5 ans, soit 8,5 % de la surface agricole utile, des exploitations bio qui représentent 10 % du total, en forte croissance chaque année, et le bio qui pèse 6 % du marché alimentaire français, soit 12 milliards d’euros.

Du côté de la production, une transition agroécologique profonde est nécessaire. Cette transition se fera grâce à l’évolution des pratiques des agriculteurs (moins d’engrais azotés de synthèse, développement des légumineuses telles que les lentilles, les haricots ou encore la féverole, gestion des déjections animales, etc.) mais surtout à travers une évolution profonde de notre système agricole : recherche de l’autonomie pour l’alimentation animale, mixité des cultures dans les territoires, conversions en agriculture biologique, etc. Regroupés sous le terme d’agroécologie, qui inclue l’agroforesterie, l’agriculture biologique, la permaculture (chaque notion est décrite dans l’Arbre !), ces modèles agricoles sont les plus vertueux pour la santé de la population, la protection des sols, de l’eau, de l’air et de la biodiversité et la résilience des agriculteurs face aux aléas climatiques et économiques et ils ne demandent qu’à se multiplier !

Ces évolutions pourront se faire grâce à un bon accompagnement des agriculteurs et des aides ciblées à travers des programmes nationaux et surtout une nouvelle Politique agricole commune ambitieuse.

 

La Commission européenne a publié une série de cibles ambitieuses à l’horizon 2030 (la stratégie « de la ferme à la fourchette », Farm to Fork, le Pacte vert européen appelant à une loi européenne sur le climat) dont certaines concernent directement les GES émis et les absorptions par les sols. Ces cibles européennes sont en synergie avec les objectifs de la France. La nouvelle Politique agricole commune (PAC), dont l’entrée en application a été décalée à 2022, devra en tenir compte.

Selon le HCC, quatre mesures émergent comme prioritaires car elles allient la réduction des émissions territoriales ou le stockage de carbone dans les sols avec de nombreux co-bénéfices pour la biodiversité, la lutte contre la déforestation importée, l’emploi ou encore la souveraineté alimentaire de la France :

  • Fortement ralentir le retournement des prairies et le drainage des zones humides, afin de conserver des stocks élevés de carbone, et, de manière complémentaire stocker du carbone dans les sols des grandes cultures grâce à l’adoption de pratiques agroécologiques
  • Déployer un plan national ambitieux de développement des protéines végétales pour l’alimentation animale et humaine qui contribuerait à rattraper le retard de la France dans ce domaine, et répondrait à la fois aux objectifs de réduction des émissions de protoxyde d’azote (N2O) des cultures, d’augmentation de la séquestration du carbone dans les sols et de réduction de l’empreinte carbone. Ce plan permettrait également de répondre aux objectifs de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (par le développement d’une filière de production française pour l’alimentation animale), tout en s’inscrivant dans la stratégie européenne « Farm to Fork ». Ces productions permettraient en outre d’enrichir l’alimentation des Français en protéines végétales aux bénéfices sanitaires certains.
  • Accélérer les réductions d’émissions de méthane (CH4) de l’élevage (-9 % en 2018 par rapport à 1990, contre un objectif de réduction des émissions de CH4 dont elles constituent la majorité de 23 % en 2030). Il existe déjà des pratiques permettant de réduire ces émissions sans mettre en difficulté la filière en adoptant des pratiques spécifiques de gestion de troupeau, d’alimentation de ce dernier et de gestion des déjections animales, pouvant s’accompagner d’une valorisation énergétique (biogaz).
  • Intervenir sur l’offre alimentaire, notamment via les instruments d’information du consommateur tels que le Nutriscore, la prochaine mise en œuvre de l’affichage environnemental sur les produits ou encore les instruments contractuels au niveau des filières qui pourraient s’avérer plus efficaces s’ils parvenaient à produire des effets d’entraînement au sein des entreprises afin que celles-ci modifient la formulation de leurs produits dans des objectifs environnementaux ou de santé publique.

Anticiper les transformations du secteur agricole nécessaires à une France neutre en carbone en 2050 implique de mettre en place un processus d’évaluation en regard du climat de la PAC pour assurer que sa déclinaison française soit compatible avec la SNBC, et de préparer l’avenir en développant un réseau de fermes à la pointe de l’agriculture bas-carbone.

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SOURCES

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