Descola (Philippe)

DESCOLA, Philippe, 1949- ?, Français

Philippe Descola est un anthropologue français considéré comme une référence mondiale pour l'étude des relations entre nature et culture.

Ses recherches de terrain en Amazonie équatorienne, auprès des Jivaros Achuar, ont fait de lui une des grandes figures américanistes de l’anthropologie. À partir de la critique du dualisme nature/culture, il entreprend une analyse comparative des modes de socialisation de la nature et des schèmes intégrateurs de la pratique : identification, relation et figuration.
En 1987, il devient maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), puis directeur d’études en 1989. Il coordonne au sein de l’EHESS le groupe de recherche sur les « raisons de la pratique : invariants, universaux, diversité ». En juin 2000, il obtient la chaire d’« Anthropologie de la nature » au Collège de France, succédant à Françoise Héritier. Il occupe cette chaire jusqu’en 2019 (leçon de clôture donnée le 27 mars 2019). Il est nommé, en 2001, directeur du laboratoire d’anthropologie sociale (LAS) fondé en 1960 par Claude Lévi-Strauss, qu’il dirige jusqu’en 2013. En 2014, il est nommé membre du Conseil stratégique de la recherche.
Ce qui suit est extrait de Nourritures Terrestres, « #7 : En finir avec l’idée de nature », Clément Jeanneau, 07/03/2020 (cité dans les sources en bas de la fiche)
« Philippe Descola est anthropologue, professeur émérite du Collège de France, lauréat 2012 de la médaille d’or du CNRS. Il a fait sa thèse sous la direction de Claude Lévi-Strauss sur les Indiens Achuar en Amazonie, qu’il a étudiés dans les années 1970 et dont il est devenu le spécialiste.
Dans son ouvrage phare, « Par-delà nature et culture », paru en 2005 et considéré par beaucoup comme l’un des travaux les plus importants en sciences sociales de ce début de siècle, il montre que la distinction entre nature et culture est une invention culturelle, née en Europe au XVIIe siècle. « Je n’ai cessé de le montrer au fil des trente dernières années : la nature, cela n’existe pas. La nature est un concept, une abstraction. C’est une façon d’établir une distance entre les humains et les non- humains » explique-t-il dans un entretien récent à Reporterre.
« La nature est une construction qui permet de donner une saillance à tout ce à quoi le concept est opposé. On va donc parler de la nature et de la société, de la nature et de l’homme, de la nature et de l’art… Heidegger avait bien mis en évidence que la nature est une sorte de boîte vide qui permet de donner une saillance à tous les concepts auxquels on va l’opposer. Moi, je m’en sers pour signifier la distance qui s’est établie entre les humains et les non-humains ». Il souligne d’ailleurs que le terme de nature est propre à l’Occident : il est « quasiment introuvable ailleurs que dans les langues européennes, y compris dans les grandes civilisations japonaise et chinoise ».
Dans un autre entretien, donné à Usbek et Rica, il revient sur l’émergence de ce concept : « l’invention par les Européens, il y a quelques siècles, de ce qu’on appelle « nature » est un coup de force qui a mis les humains à distance du monde dans lequel ils étaient intégrés jusqu’au Moyen Âge ». « Le concept de nature est bien sûr plus ancien (il remonte aux Grecs). Mais ce concept ne prend véritablement sa forme définitive qu’à partir de la révolution scientifique. Ce qui est caractéristique du XVIIème siècle, c’est que tout d’un coup, la nature devient un objet d’enquête et une ressource pour les humains. » Il montre que « cette mise à distance », inédite dans l’histoire, a entraîné des conséquences fortes dans les rapports que nous, humains, entretenons avec les non-humains : leur « destinée [s’est retrouvée] tout à coup séparée de la nôtre ».
« Quand je dis que la nature n’existe pas, ce n’est pas une provocation » précise Philippe Descola. «Je souligne que l’idée d’une totalité extérieure aux humains est une idée récente, neuve et tout à fait singulière dans l’histoire de l’humanité. Et c’est de cela dont il faut prendre conscience. Tous les jours, dans les médias, je vois des gens très bien intentionnés dire : « Il faut protéger la nature », « il faut être plus près de la nature », etc. Mais à partir du moment où on emploie ce terme, la distance est là ». Lui-même dit essayer de ne pas utiliser le mot nature, mais reconnait que la tâche est difficile. Il a d’ailleurs nommé sa chaire au Collège de France « Anthropologie de la Nature », « justement », dit-il, « pour mettre l’accent sur une contradiction évidente : comment peut-il y avoir une anthropologie [qui est la science de l’étude de l’homme] d’un monde où les humains ne sont pas présents ? ».
Dans un entretien à Libération publié en 2018, le président du Muséum national d’histoire naturelle, le naturaliste Bruno David, abondait dans le même sens : « Le dualisme nature versus homme est totalement faux. On a deux kilos de bactéries en nous dont notre vie dépend. En tant qu’espèce, on vit en symbiose avec le reste du monde. On en a besoin pour exister, pour manger, boire. Quand on porte atteinte à la biodiversité, c’est à nous, humains, qu’on porte atteinte. » Son prédécesseur à la tête du Muséum, le biologiste Gilles Bœuf, ne dit pas autre chose dans un entretien pour le site Le Grand Continent : « Le corps humain, c’est autant de bactéries que de cellules humaines. Chaque matin, nous nous réveillons après avoir dormi avec un à deux millions d’acariens dans notre lit. Si nous admettons faire partie du vivant et ne pas être « en dehors », alors cela change tout, parce que dès que nous agressons ce vivant, nous nous auto-agressons. » »

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