Darwinisme social

Le darwinisme social est un terme englobant qui désigne toute doctrine ou théorie prétendant pouvoir appliquer la théorie évolutionniste aux sociétés humaines. Le premier à forger ce néologisme est Oscar Schmidt, en 1879, dans un article publié dans Popular Science. Le terme apparaît l’année suivante sous la plume de l'anarchiste Émile Gautier, qui publie en 1880 « Le Darwinisme social », une brochure qui entend contrer les théories qu'il baptise de ce néologisme. Il est ensuite repris par les adversaires de ces théories, et par certains historiens et sociologues. Le terme darwinisme social est toujours usité dans un sens polémique et négatif et n'a jamais été revendiqué ni même employé par les tenants des théories qui y sont associées.

Idées principales

Les idées principales associées au darwinisme social sont la notion de « lutte pour la vie » entre les hommes, conçue comme étant l’état naturel des relations sociales et le rôle central donné au conflit en soi vu comme la source fondamentale du progrès et de l’amélioration de l’être humain. Ces idées ont souvent comme conséquence, sur le plan politique, une volonté de réduire voire de supprimer l’influence des institutions et des comportements faisant obstacle à l’expression de la lutte pour l’existence et à la sélection naturelle, qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des plus aptes (survival of the fittest).

D’une manière plus spécifique, on désigne aussi ces théories par le terme de spencérisme, du nom de Herbert Spencer (1820-1903), sociologue anglais considéré comme l’un des premiers à avoir tenté d’appliquer la théorie de Darwin aux sociétés humaines. Contrairement au terme de darwinisme social, celui de spencérisme est parfois revendiqué par les partisans de ces théories.

De manière générale, les théoriciens du darwinisme social envisagent, à l’échelle de la compétition entre les individus, la levée des mesures de protection sociale, l’abolition des lois sur les pauvres ou l’abandon des conduites charitables. Le sociologue, psychologue, philosophe Herbert Spencer, un des plus célèbres de ces idéologues, pense ainsi que « toute protection artificielle des faibles est un handicap pour le groupe social auquel ils appartiennent, dans la mesure où cette protection a pour effet […] de le mettre en position d’infériorité face aux groupes sociaux rivaux. » Le darwinisme social se conjugue avec les théories racialistes qui font, à l’échelle de la compétition entre les groupes humains, de la « lutte entre les races » le moteur de l’évolution humaine. Il rejoint et renforce, à la fin du XIXe siècle, l’émergence des théories eugénistes.

Selon l’historien des sciences Patrick Tort (« Darwin et le darwinisme »), de son vivant, Charles Darwin se serait opposé avec vigueur à l’application de la sélection naturelle au sein des sociétés humaines avec la publication en 1871 de « La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe ». Toujours selon Patrick Tort, dans cet ouvrage, Darwin avance que la sociabilité et l’empathie ont été sélectionnées au cours de l’évolution humaine : « Figure logique centrale de l’anthropologie darwinienne (à distinguer de l’anthropologie évolutionniste), l’effet réversif de l’évolution est ce qui permet de penser chez Darwin la transition progressive entre ce que l’on nommera par commodité la sphère de la nature, régie par la stricte loi de la sélection, et l’état d’une société civilisée, à l’intérieur de laquelle s’institutionnalisent des conduites qui s’opposent au libre jeu de cette loi. […] En termes simplifiés, la sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle. »

C’est Herbert Spencer, savant contemporain de Darwin et tout aussi populaire, qui applique le principe de « la survie du plus apte » aux sociétés humaines et formule le principe du darwinisme social selon lequel l’hérédité (les caractères innés) aurait un rôle prépondérant par rapport à l’éducation (les caractères acquis). Herbert Spencer « voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et les guerres de conquête rien moins que l’application à l’espèce humaine de la sélection naturelle ». Spencer fournit ainsi une explication biologique aux disparités observées entre les sociétés sur la trajectoire prétendument unique de l’histoire humaine : les peuples les moins « adaptés » à la lutte pour la survie seraient restés « figés » au stade primitif conceptualisé par les tenants de l’évolutionnisme anthropologique.

La thèse de l’entraide est développée en 1902 par Pierre Kropotkine dans L’Entraide : Un facteur de l’évolution, une critique claire vis-à-vis du darwinisme social. Dans cet ouvrage, le prince et anarchiste russe répond spécifiquement aux théories de Thomas H. Huxley publiées dans La Lutte pour l’existence dans la société humaine en 1888. Kropotkine, sans nier la théorie de l’évolution de Darwin, y précise que les espèces les mieux adaptées ne sont pas nécessairement les plus agressives, mais peuvent être les plus sociales et solidaires. Il fournit des exemples empiriques du règne animal, ainsi que d’autres puisés dans des sociétés humaines, celles qu’il appelle les « Sauvages », les « Barbares », les villes médiévales, ainsi que dans la société de son époque. Kropotkine ne nie pas non plus l’existence de compétition, mais pense que la compétition est loin de constituer le seul facteur de l’évolution, et que l’évolution progressiste est plutôt due à la socialisation et à l’entraide mutuelle

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