Barbares

Selon Patrick Viveret, on peut qualifier certains actes de barbares mais pas des personnes. Le faire, ce serait nier leur humanité et s'engager dans une voie très dangereuse. Il appelle à développer la fraternité et la convivialité pour renforcer le vivre-ensemble.

Patrick Viveret :

« Il y a des actes barbares, il n’y a pas de Barbares. La barbarie est un dérapage dans l’inhumanité qui menace tout individu, tout groupe humain. C’est une aliénation, une altération d’humanité qui n’est pas réservée à certains.

L’Europe a payé le prix lourd pour comprendre que la barbarie pouvait naître au cœur de grandes civilisations. La patrie de Kant et de Beethoven pouvait aussi enfanter le nazisme. La patrie de Dante pouvait enfanter le fascisme, celle des droits de l’homme le colonialisme, celle de Cervantès le franquisme, celle de l’habeas corpus l’impérialisme, celle de la libération du tsarisme, la terreur stalinienne, celle de la statue de la liberté organiser un système international de torture… La liste est infinie.

Dès lors que l’on a compris cela, on comprend que la barbarie n’est pas du côté de la diabolisation de l’altérité mais de l’absolutisation de l’identité. Nous retrouvons alors ce que ne cessent de nous dire depuis des millénaires les traditions de sagesse : la barbarie est intérieure et non extérieure. Elle n’est pas étrangère à l’humanité, elle en constitue la face sombre, celle de sa propre inhumanité.

Et c’est là que nous saisissons l’enjeu de la fraternité. Car le frater, étymologiquement c’est le genre humain. Et l’esprit de fraternité dont parle la Déclaration universelle des droits humains nous pouvons le définir comme le travail sur lui-même que doit faire « le peuple de la terre », notre fragile famille humaine pour apprendre à s’humaniser, pour apprendre à mieux s’aimer.

Faute de ce mouvement vers une qualité supérieure d’humanité et de fraternité nous risquons comme le notait Martin Luther King dans une phrase célèbre de « périr comme des idiots » !
Il y a en effet un lien étroit entre la brutalité et la bêtise comme le signale la fameuse expression : « bête et méchant ». Et il y a au contraire un lien étroit entre l’intelligence et l’esprit de fraternité, n’en déplaise aux cyniques qui hurlent aux « bisounours » dès que l’on évoque ce lien. Car l’intelligence se nourrit de l’interdépendance, du lien, donc de l’écoute de la différence et de la divergence dès lors que celle-ci ne dérape pas en violence.

Oui, il est temps de revisiter les valeurs-forces de vie qu’exprime la tension dynamique entre liberté, égalité et fraternité à condition de redonner toute sa force à la dernière, de cesser d’en faire non la cerise sur le gâteau mais la cerise dans le gâteau, non un simple supplément d’âme mais l’anima, le souffle même qui permettrait de revisiter les deux autres valeurs clefs, et même les trois autres si l’on y ajoute la Laïcité.

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