Anormal (pas de retour à)

"Pas de retour à l'anormal" est le slogan de l'Académie du monde d'après" lancée par la Meute d'Amour sur Facebook et YouTube pendant la période de confinement en avril 2020. Parler du monde d'avant comme de l'anormal auquel on ne veut pas retourner après la fin du confinement est une manière de prendre le contrepied de l'expression consacrée "retour à la normale" et montrer que nous ne voulons plus de ce monde là.

Définition et problématique

Voici les deux premières définitions du dictionnaire Larousse pour le mot « normal »  :

  1. « Qui est conforme à une moyenne considérée comme une norme, qui n’a rien d’exceptionnel.
  2. Qui est conforme à la nature d’un être, d’une chose, à l’organisation de quelque chose »

Dans la première définition, ce qui est normal est qualifié comme tel selon une convention humaine. Dans la seconde définition, ce qui est normal est conforme à un état de nature.

Les réflexions sur ce qui est normal et ce qui est anormal invitent à mettre en perspective nos conventions humaines. Celles-ci, considérées comme normales car faisant normes, sont-elles compatibles avec l’état de nature ? S’il y a une forme d’objectivité dans les lois de la nature, tel n’est pas le cas pour les normes sociales. Ce qui est considéré comme normal aujourd’hui peut ne plus l’être demain. Nos normes sociales évoluent avec le temps, les moeurs, les avancées de la science, les nécessités du moment… L’exemple de l’évolution de la société et de nos lois en rapport avec l’homosexualité est parlant. Nous sommes passés de l’incrimination de l’homosexualité à celle de l’homophobie en quelques années.

Dans le cas d’une importante différence entre nos conventions sociales et l’état de nature, nous pouvons nous permettre d’adopter un point de vue critique vis à vis des ces conventions. En effet, si nous considérons que nos normes se veulent « humanistes » et visent par conséquent à protéger et développer les intérêts de l’espèce humaine, alors ces normes sont de toute évidence appelées à se transformer radicalement. En organisant nos sociétés autour de la croissance et de la consommation à grande échelle, ces normes menacent notre capacité à survivre sur Terre. Peut on dès lors considérer que ces lois soient humanistes si elles en viennent à porter atteinte à notre essence ?

De fait, il y a incompatibilité entre le normal humain et le normal naturel. Cette opposition entre nos normes sociales et le maintien de la vie sur Terre est une porte ouverte à une réinvention, une invitation à l’émergence de nouveaux imaginaires, respectueux du vivant, régénératifs. Ces imaginaires, dérangeants, marginaux, et « anormaux » dans un premier temps, feront, espérons le, les normes sociales de demain : le « normal » de demain.

Citation d'Aurélien Barreau :

« Beaucoup de gens se démènent pour un retour à la normal à court terme. Ce n’est pas gagné et ce serait le plus pire. En effet l’état dit « normal », purement conventionnel par ailleurs, est suicidaire car nous mène à une méta-crise latente. L’épisode de Covid 19 sera un épiphénomène face à la crise gigantesque qui se profile. Il y a une pandémie tous les 20 ans. Au contraire, des extinctions de la vie sur le Terre n’apparaissent que tous les 2 milliards d’années. Pour ce qui concerne l’extinction massive où une espèce fait disparaître les autres, il s’agit d’une première dans l’Histoire de la Terre. Le nombre du morts à ce jour du Covid 19 (2 mai 2020) est égal au nombre de morts en deux jours par la faim et la pollution dans le monde en temps « normal ». Il faut remettre les choses en perspective. Le monde d’avant n’était pas un monde où tout allait bien. L’économie de la croissance telle qu’elle est vécue depuis la seconde guerre mondiale est une folie. On ne pourra pas continuer longtemps. C’est complètement débile d’appeler cela de la croissance car nous sommes est en train de détruire notre capacité à vivre. Même d’un point de vue économique, ce n’est pas de la croissance mais de la décroissance. On est en train de détruire tout ce qui fait sens, tout ce qui nous permet d’exister pour créer des objets, des gadgets sans aucune valeur fondamentale. Nous étions en décroissance. J’appelle à de la vraie croissance.

Les compagnies aériennes appellent à un retour à la normale dans les prochaines années. Comment peut-on écouter cela ? On ne veut pas d’un retour à l’anormal. C’est ahurissant de dire cela. Vous voulez sérieusement qu’on retourne à cet état de suicide collectif qui était le nôtre ? Vous voulez vraiment continuer à promouvoir un tourisme ridicule qui est aussi délétère du point de vue climatique que biologique ? Ce devrait être une plaisanterie pour nous aujourd’hui. Il ne s’agit évidemment pas une seconde de laisser seuls ceux qui feront les frais des reconversions plus ou moins énormes à prévoir. Oui, nous nous sommes trompés. Désormais, il va falloir collectivement que nous nous occupions de réparer la casse avec un peu de sérieux.

Prenons l’exemple de la 5G. On s’engouffre dedans en Europe. La 5G est une augmentation considérable de la consommation donc de l’impact climatique, donc de la fin de la vie sur Terre. A quoi sert-elle ? La 4G marche très bien. Veut-on vraiment s’engouffrer dans la 5 G ? »

Texte rédigé par Marin Maufrais et Loïc Marcé

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