Auto-production

L'auto production, pratiquée seul.e, en famille ou au sein d'une communauté relativement réduite, est une façon de subvenir à ses besoins. En produisant elles-mêmes tout ou partie de ce qui leur est nécessaire pour se loger, se nourrir, se vêtir, se déplacer ou se chauffer, les personnes pratiquant l'autoproduction assurent leur subsistance

Introduction

Si on en revient aux définitions qu’en donnent Wikipédia et le dictionnaire Larousse, « l’autoproduction est la production par des agents économiques, de biens ou de services, production à laquelle ils n’ont pas normalement vocation ». 

Selon Guy Roustang, le terme d’autoproduction désigne toutes les activités destinées à produire des biens et des services pour sa propre consommation et celle de son entourage, sans échanges monétaires. 

Selon Michel Pinçon, l’autoproduction désigne la production de biens ou de service en dehors de la production marchande, et déborde les limites familiales généralement assignées à l’autoconsommation. »

Enjeux

L’auto production, pratiquée seul.e, en famille ou au sein d’une communauté relativement réduite, est une façon de subvenir à ses besoins. En produisant elles-mêmes tout ou partie de ce qui leur est nécessaire pour se loger, se nourrir, se vêtir, se déplacer ou se chauffer, les personnes pratiquant l’autoproduction assurent leur subsistance. Il n’est pas nécessaire de produire la totalité de ce dont elles ont besoin pour parler d’autoproduction. Le processus, qu’il soit partiel ou complet, renforce l’autonomie des personnes qui le pratiquent. En ce sens, l’autoproduction permet de s’extraire des réseaux complexes, centralisés et hiérarchiques de production. Il s’agit d’un moyen de mettre de la distance avec la société de consommation. Ainsi, elle limite la dépendance que l’on peut avoir vis à vis des engrenages systémiques qui nous maintiennent « prisonniers » des modèles dominants de consommation (crédit, salaire, grands réseaux de distribution…). Elle est également plus respectueuse de l’environnement dans le sens où elle prend en compte les contraintes spécifiques d’un territoire sans chercher à les dépasser en faisant importer des biens venus de l’autre bout du globe.

L’autoproduction est autant une façon de donner du sens à sa vie en offrant une forme d’émancipation et un sentiment de dignité dans son travail qu’une façon de lutter contre le système actuel, car en réduisant sa dépendance matérielle à son égard elle questionne l’utilité d’un tel système, qu’une façon active de rentrer en résilience pour s’adapter aux bouleversements environnementaux et sociaux plutôt que d’être dépendant de réseaux mondialisés vulnérables. Ainsi, pour des raisons relavant tant de l’épanouissement personnel, de la justice sociale que du bon sens environnemental, l’autoproduction propose des pistes intéressantes à creuser pour s’adapter aux bouleversements en cours et à venir.

Les tiers lieux urbains ou ruraux, les éco-villages, la permaculture, la low tech, les ressourceries, les ateliers de réparations et de réutilisation, les réseaux de circuits courts sur des zones territoriales de taille humaine, la décentralisation, la régionalisation, le « made in France », les micro-sociétés, sont autant de façon de renforcer l’autoproduction (énergétique, alimentaire, immobilière, vestimentaire…). Ce sont des façons de faire société déjà largement expérimentées et dont nos imaginaires sont appelés à grandement se saisir pour les démarginaliser et en faire système.

Il ne s’agit toutefois pas de considérer l’auto production comme une réponse magique à toutes nos problématiques. Il est important de garder à l’esprit que l’autoproduction se doit d’être mise en pratique concrètement, plutôt qu’idolâtrée abstraitement pour la simple pureté de son principe. Le succès des initiatives auto-productives est très dépendant des caractéristiques initiales du lieu où elles sont pratiquées, des ressources humaines et physique disponibles et des aléas des éléments. Certains territoires sont mieux dotés que d’autres pour être auto-productifs. Certaines caractéristiques physiques et psychologiques sont plus compatibles avec les logiques d’autoproduction que d’autres.

Critiquables sous de multiples aspects, l’un des grands avantage des réseaux centralisés et complexes a été de créer une très large mise en commun des ressources nationales, continentales et planétaires et qui a permis de réorienter les productions pour limiter les risques liés aux aléas de la vie, et de plus ou moins redistribuer vers ceux qui ont des besoins. (On peut aussi arguer que ce sont ces mêmes modèles centralisateurs qui ont systématisé le fait que certaines populations soient dans des situations de grande dépendance, puisqu’éloignées des modèles auto-productifs leurs permettant de subvenir eux même à leurs propres besoins… Serpent qui se mord la queue. Mais là n’est pas le sujet de cet article.).

Quoi qu’il en soit, en favorisant l’autonomisation, l’autoproduction peut aller à l’encontre des réseaux de redistribution compensateurs des aléas et difficultés les plus brutales. Si une société décide de se couper du monde pour vivre en autarcie et qu’une catastrophe vient à réduire à néant toutes les équilibres qui permettaient à cette société de vivre, celle ci peut du jour au lendemain se retrouver sans rien. L’autoproduction ne permet pas de répondre à l’inégale répartition des ressources physiques. La question se pose aussi de savoir si ces modèles sont élevables au rang de système pour nourrir 8 milliards de personnes. Nos modèles complexes, centralisés, hiérarchiques ont créé une superstructure dont des milliards de personnes sont directement dépendantes pour vivre. Ce sont ces mêmes modèles qui ont permis la multiplication de la population mondiale par 8 en deux siècles. Si ces modèles étaient démantelés, notre population serait elle divisée dans les mêmes ordres de grandeurs. Le débat semble stérile entre certains pamphlétaires qui agitent le spectre d’un retour au Moyen-Age et la perspective d’un effondrement systémique auquel il serait impossible d’échapper.

Ainsi, au su des bouleversements environnementaux en cours et à venir, l’autoproduction est à mettre en avant sans être confondue avec l’autonomie, l’autarcie et le repli sur soi. Il ne s’agit pas qu’elle se fasse au détriment des réseaux d’entraide mais au contraire qu’elle les renforce. Il ne s’agit pas qu’elle pose une approche dogmatique anti-industrie et anti-science mais qu’elle permette une réorientation des réseaux industriels vers une large décentralisation, avec moins de complexité mais plus de polyvalence. Tel nous semble être le sens vers lequel aller pour réussir notre adaptation résiliente à un climat désormais appelé à être constamment instable et évolutif.

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SOURCES

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