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Terme péjoratif grec pour désigner ce qui est sans limite

Problématiques

Terme grec pour désigner ce qui est illimité, sans limite. (terme péjoratif dans la pensée grecque).

Il est intéressant de noter que dans la philosophie grecque, le terme illimité était perçu de façon péjorative. Cette notion s’opposait à celles perçues de façon bien plus positives que sont la sagesse (sophia) et le concept de mesure. L’oracle de Delphes indiquait d’ailleurs : « Connais-toi toi-même » et « Rien de trop ».

Cherchons à réfléchir sur l’accueil réservé au concept de limite à travers le temps et les sociétés.

Présentation des enjeux

Avant de débuter, il s’agit de se garder de faire des généralités englobantes. En effet, l’idée de croissance et le fait de nier le concept de limite se trouvent de plus en plus critiqués au sein même des sociétés occidentales par les militants écologistes, de personnes éprises de sagesse et de plus en plus de jeunes, notamment.

Toutefois, en termes de projections générales et macro-économiques, nos sociétés occidentales contemporaines ont pour matrice centrale l’idée de croissance comme outil de mesure de la réussite et de la puissance. De façon générale, nous évoluons vers un idéal marqué par l’accroissement de la possession d’argent, de biens matériels, d’espérance de vie, de voyages, de belles maisons, de grosses voitures, de croissance économique pour nos entreprises, nos pays. En somme, nous croyons en une idée de progrès illimité. Il s’agirait d’aller plus vite, plus haut, plus fort. Cette phrase est d’ailleurs la devise des jeux olympiques modernes, ce qui n’est pas négligeable car un tel évènement planétaire n’est pas sans incidence sur nos croyances et représentations collectives. De fait, la majorité des indicateurs macroéconomiques permettant de mesurer les évolutions systémiques de nos sociétés sont des courbes en exponentielle : hausse exponentielle de la population mondiale, du PIB, de la quantité d’énergie consommée, de la quantité de CO2 émis dans l’atmosphère, de la fonte des glaces et glaciers, de la chute de la biomasse…

A l’aune des bouleversements environnementaux, cette façon de penser est fâcheuse car incompatible avec le fait de vivre sur une planète ronde à la taille finie et aux ressources limitées. L’année 2020, en raison des circonstances exceptionnelles liées à un confinement mondial est la première année depuis 2008 (elle-même marquée par une crise économique inédite) où le jour de dépassement n’avance pas. Pour rappel, le jour de dépassement est celui où nous avons fini de dépenser ce que la terre est capable de produire en un an. En 2019, il était le 29 juillet. En 2018, il était le premier août.

De fait, nous semblons pris au piège car incapables d’arrêter notre folle fuite en avant de surconsommation de ces ressources. La croyance que la nature humaine ne sait pas évoluer vers autre chose que son plus grand bien nous empêche de regarder ailleurs.

Pourtant, notre rapport à la croissance est réfutable et d’autres façons de faire sont possibles.

D’abord, nous pouvons commencer par interroger la notion du « plus grand bien ». Avoir toujours plus de biens matériels nous rend-il fondamentalement plus heureux ? Nous tendons parfois à oublier l’adage selon lequel le mieux est l’ennemi du bien. De nombreuses études démontrent d’ailleurs que passé un certain seuil de confort, le surplus ne participe pas à nous rendre plus heureux.

De plus, n’est-il pas possible de tendre vers une vie plus agréable et en revoyant nos modèles de « croissance » ? Si l’adage courant projette l’idée de croissance économique lorsqu’on parle de croissance, cette projection n’est pas exclusive. Il est également possible de considérer la « croissance », de nos liens affectifs, de notre spiritualité, de notre rapport à la culture, du sens que nous donnons à nos vies et notre travail, de la régénération du vivant en participant à la renaissance écologique et de la biodiversité. En ce sens, le concept de croissance devient très partial car tout dépend de ce que cet indicateur permet d’évaluer. Bref, la vie bonne et la régénération du vivant ne sont pas incompatibles avec un monde post « croissance économique ».

Enfin, le simple fait que la notion de limite ait été perçue de façon positive à l’époque grecque est la preuve qu’il est parfaitement possible de faire société avec d’autres codes que ceux que nous nous donnons à l’époque contemporaine. Cette différence de prisme tord le cou aux arguments selon lesquels l’homme par nature souhaite avoir toujours plus de bien matériels sans qu’il n’y ait rien à faire. Il ne s’agit que d’une croissance limitante, qui souvent est avancée par ceux qui ont le moins intérêt à ce que les choses bougent.

Une remise en perspective de nos objectifs et croyances actuelles avec celles d’autres sociétés marquées par la mesure et la satiété est une ouverture vers d’autres imaginaires, d’autres visions de la réussite, d’autres normes sociales structurant nos modes de vie. S’intéresser aux sagesses ancestrales, paysannes et indigènes est un premier bon pas vers d’autres façons de faire société, afin de régénérer le vivant.

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