Démocrature

La démocrature est un concept utilisé pour désigner un régime politique qui tire sa légitimité du seul fait électif et majoritaire et prend de grandes libertés pour affaiblir les garanties de l’Etat de droit. Des éléments de démocrature se retrouvent dans de nombreux pays : Russie, Venezuela, Turquie, Asie centrale, Hongrie, Etats-Unis de Trump…

Présentation du concept de démocrature

Extrait d’un article de France Culture cité dans les sources :

« Selon Renée Fregosi, politologue spécialiste de l’Amérique latine, dans son ouvrage « Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates », le type de régime qui a le vent en poupe, ce n’est pas la démocratie, c’est la démocrature (democradura en espagnol). Il désigne un système hybride que nous voyons se répandre, de la Russie au Venezuela, en passant par la Turquie et l’Asie centrale. La démocrature mêle des éléments de démocratie, comme la tenue d’élections et d’autres issues de ce que Renée Fregosi nomme le justicialisme.

Le justicialisme est un populisme. Au nom d’un mot d’ordre de « justice », assez vague mais mobilisateur, un leader charismatique, qui semble en campagne électorale permanente, lance l’anathème sur des « élites », qu’il accuse d’avoir trompé le peuple. Il s’alimente au sentiment égalitariste des moins instruits, ceux qui ont le sentiment de n’avoir aucune prise sur les évènements et de ne pas être pris en considération. Il prône un idéal de justice « abstrait, immédiat et total », « fondé sur un ressentiment profond et diffus », qui s’exprime en deux slogans : « justice pour le peuple, châtiment des coupables ! »

A la différence des totalitarismes ou des tyrannies classiques, la démocrature n’attaque pas de front l’idéal démocratique. Au contraire, elle prétend la réaliser de manière plus authentique, en « rendant la parole au peuple », « bâillonné par les élites ».

Formellement, ce type de régime se légitime par la tenue d’élections ; mais celles-ci sont contrôlées à chaque étape de leur déroulement. En amont, par l’invalidation, voire par l’emprisonnement, des candidats hostiles au régime qui risqueraient d’être élus ; ainsi, du maire de Caracas, Antonio Ledezma. Voire de leur assassinat, comme Boris Nemtsov, à Moscou. Lors du vote, par des achats de voix, des tricheries de tous ordres. Quant au dépouillement, il est, bien sûr contrôlé par les hommes du parti-Etat, qui en profitent pour bourrer les urnes. Le contentieux électoral est lui-même entre les mains de juges inféodés au pouvoir.

Dans de nombreux cas, on remarque que le président réélu une première fois fait modifier la Constitution, afin de pouvoir se représenter sans limites. Pour contourner cet écueil, Poutine a imaginé un système ridicule d’alternance aux postes de président de la Fédération et de premier ministre, avec Medvedev.

C’est d’ailleurs comme un coup d’arrêt sur la voie d’une dérive justicialiste qu’il faut interpréter le refus des électeurs boliviens, d’accorder, le mois dernier, à Evo Morales l’autorisation de solliciter un quatrième mandat en 2019.

Ces régimes sont dangereux parce qu’ils reposent sur l’antagonisation, le clivage, la diabolisation des adversaires politiques ; ils propagent la théorie du complot, usent parfois de l’antisémitisme. Ils refusent le consensus négocié, la conciliation – qui sont au cœur même de l’idée démocratique. Ils tolèrent la violence politique, quand ils ne l’encouragent pas.

Nous qui nous croyons à l’abri, observons bien ce qui se passe aujourd’hui en Hongrie, ou encore le déroulement de la présidence de Donald Trump. Les personnalités charismatiques sachant manier les jeux de mots provocateurs plutôt que les indices économiques ne manquent pas. Et le ressentiment de catégories sociales qui peuvent à juste titre s’estimer lésées et reléguées non plus…. La rencontre des deux peut se révéler explosive. »

Citation de Patrick Viveret

« Dans le monde, on assiste à l’épuisement de la démocratie de compétition, ce qu’on appelle la « démocrature », qui ne garde de la démocratie que le fait électif menant à des choix binaires qui instrumentalisent les peurs et se focalisent sur des personnes. Les leaders comme Trump, Poutine, Erdogan… jouent sur les régressions émotionnelles, ce qui nous expose à des risques graves. La réponse à apporter c’est de construire de nouvelles formes démocratiques, car aujourd’hui nous ne sommes même plus dans une démocratie représentative, je la qualifierai plutôt de délégative : nous faisons une fois de temps en temps un chèque en blanc à des élus qui sont loin de représenter l’ensemble de la société. »

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