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Jacques Ellul est un historien du droit, sociologue et théologien protestant libertaire français. Professeur d'histoire du droit, surtout connu comme penseur de la technique et de l'aliénation au XXème siècle,
Il est l’auteur d’une soixantaine de livres (la plupart traduits à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Corée du Sud) et de plusieurs centaines d’articles. Auteur profondément original, atypique et inclassable, il a été qualifié d’« anarchiste chrétien » mais rejette tout recours à la violence.
Fervent lecteur de Karl Marx auquel il a consacré un enseignement à l’IEP de Bordeaux pendant plus de trois décennies, et tout en étant lui-même un théoricien de la révolution politique et sociale, il s’est cependant toujours tenu à l’écart du marxisme, au motif qu’il n’y voyait qu’une idéologie comme une autre, une « pensée fossilisée ». Certains le rangent par conséquent dans la catégorie des marxiens.
Sa pensée est profondément ancrée dans le christianisme et il n’a cessé de témoigner de sa foi dans les Évangiles. Il établit un parallèle entre les textes bibliques et le rejet des institutions, en refusant tout amalgame entre foi et analyse politique mais en établissant leur mise en relation dialectique, notamment dans son ouvrage Anarchie et Christianisme, dans lequel il considère la Bible comme un livre libertaire.
Ayant adopté comme devise « exister, c’est résister » — résister « à la sollicitation du milieu social », aux conformismes et aux lieux communs —, il disait de son œuvre qu’elle est entièrement axée autour de la notion de liberté : « Rien de ce que j’ai fait, vécu, pensé ne se comprend si on ne le réfère pas à la liberté.»
L’essentiel de l’œuvre de Jacques Ellul porte non pas sur « la technique » en tant que telle mais sur la part qu’elle occupe dans les consciences du monde contemporain. Un monde où, finalement, à l’heure de la mondialisation, toutes les sociétés tendent à ne plus en former qu’une seule, qu’Ellul appelle la « société technicienne ».
Durant les six décennies au cours desquelles il élabore sa réflexion (1934-1994) et qui voient les paysages et les modes de vie toujours plus façonnés par les machines, il développe l’idée que « la préoccupation de l’immense majorité des hommes de notre temps est de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace ».
Ellul confère au mot « technique » un sens beaucoup plus étendu que celui – usuel – du machinisme. Certes, la technique inclut pour lui l’ensemble de tous les moyens matériels soumis à l’impératif de l’efficacité, à commencer par les infrastructures économiques (et en cela il fait directement siennes les analyses de Karl Marx). Mais la technique est bien plus que cela ! Dans la mesure en effet où ces moyens ont continué de se développer sans freins (les révolutions ne constituant que de légers soubresauts de l’histoire), la technique s’est retrouvée intégrée dans les esprits au point qu’elle est devenue une référence pour tous : une manière « normale » de concevoir le monde, les objets qui nous environnent étant tous plus ou moins assimilés à des marchandises.
Ellul, peut-on dire, poursuit donc les analyses de Marx. Mais c’est précisément ce en quoi il va susciter l’incompréhension générale de la part de tous ceux – majoritaires – vont continuer à se référer à ces analyses pour les appliquer à leur propre présent, au lieu justement de les réactualiser. Ellul affirme que les analyses de Marx sont certainement les plus fines et les plus lucides qui soient par rapport à son époque mais que, compte tenu précisément du fait que les infrastructures ont de plus en plus façonné le monde après sa mort, elles sont pour ainsi dire « dépassées » car « passées dans les mœurs ».
Pire que cela: la technique constitue une croyance, une façon quasi mystique de concevoir le monde, dont le « mythe du progrès » ne constitue que la partie la plus visible. Pour reprendre ses propres termes, « ce n’est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique. »
Ellul développe son analyse plus spécialement dans trois livres : La technique ou l’enjeu du siècle (1954), Le système technicien (1977), Le bluff technologique (1988) … mais cette réflexion sur la technique ponctue pour ainsi dire toute son œuvre.
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NOTIONS
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SOURCES
- Fiche Wikipedia de Jacques Ellul
- Site Internet dédié à la pensée de Jacques Ellul
- Jacques Ellul, « La Technique ou l'Enjeu du siècle », Economica, 2008, (1re éd. 1954 Armand Colin)
- Jacques Ellul, « Propagandes », 2008, (1re éd. 1962 Armand Colin)
- Jacques Ellul, « Histoire de la propagande », PUF, coll. « Que Sais-je ? », 1976 (1re éd. 1967)
- Jacques Ellul, « L'Illusion politique », La Table Ronde, 2018, (1re éd. 1965 Robert Laffont)
- Jacques Ellul, « Exégèse des nouveaux lieux communs », La Table Ronde, 2004, (1re éd. 1966 Calmann-Lévy)
- Jacques Ellul, « Métamorphose du bourgeois », La Table Ronde, 1998 (1re éd. 1967 Calmann-Lévy)
- Jacques Ellul, « Autopsie de la révolution », La Table Ronde, 2008 (1re éd. 1969 Calmann-Lévy)
- Jacques Ellul, « De la révolution aux révoltes », La Table Ronde, 2011 (1re éd. 1972 Calmann-Lévy)
- Jacques Ellul, « Les nouveaux possédés », Les Mille et Une Nuits, 2003 (1re éd. 1973 Arthème Fayard)
- Jacques Ellul, « Trahison de l'Occident », Princi Negue, 2003, (1re éd. 1975 Calmann-Lévy)
- Jacques Ellul, « Le Système technicien », Le Cherche-midi, 2012 (1re éd. 1977 Calmann-Lévy)
- Jacques Ellul, « L'empire du non-sens : L'art et la société technicienne », PUF (1re éd. 1980)
- Jacques Ellul, « La Parole humiliée », La Table Ronde, 2014, (1re éd. 1981 Seuil)
- Jacques Ellul, « Changer de révolution : L'inéluctable prolétariat », La Table Ronde, 2015 (1re éd. 1982 Seuil)
- Jacques Ellul, « Le bluff technologique », Hachette, 2012 (1re éd. 1988)
- Emmanuelle Laforêt, docteur en éthique médicale, « Analyse de la théorie du Système technicien de Jacques Ellul. Implications en santé », Sorbonne
- Biosphère, « Jacques Ellul, démesure de la société technicienne », 2019
- Jean-Luc Porquet, « Jacques Ellul, la démesure technicienne », 31/10/2013, Témoignage chrétien