Illich (Ivan)

1926-2002, Autrichien

Ivan Illich est un penseur de l'écologie politique et une figure importante de la critique de la société industrielle.

Une grande partie de l’œuvre d’Ivan Illich est caractérisée par une méthode critique que Martin Fortier nomme « peirastique » (le terme est emprunté à Aristote). Cette méthode consiste à critiquer son adversaire en partant des axiomes mêmes de cet adversaire : « il s’agit de démontrer à mon adversaire que (1) la conclusion qu’il soutient (…) ne dérive en fait pas de ses prémisses (sauf à commettre une faute de raisonnement), et que (2) la conclusion que je soutiens pour ma part, en plus d’être dérivable de mes propres prémisses, est également dérivable de celles de mon adversaire ». Par exemple, Illich critique l’institution des transports, non pas en remettant en cause l’axiome selon lequel il faudrait aller le plus vite possible ou être le plus efficace, mais en admettant que cet axiome soit valable, et en en dérivant des théorèmes contraires à ceux que dérivent les partisans de la voiture : Illich démontre en effet que la voiture va en réalité plus lentement que la bicyclette si on intègre dans le calcul de la vitesse le temps qu’on passe à gagner l’argent nécessaire à la financer.
Dans l’œuvre d’Ivan Illich une idée revient de manière prédominante : à partir du moment où la société industrielle, par souci d’efficacité, institutionnalise un moyen (outil, mécanisme, organisme) afin d’atteindre un but, ce moyen tend à croître jusqu’à dépasser un seuil où il devient dysfonctionnel et nuit au but qu’il est censé servir. Ainsi l’automobile nuit au transport, l’école nuit à l’éducation et la médecine nuit à la santé. L’institution devient alors contre-productive en plus d’aliéner l’être humain et la société dans son ensemble.
Il est l’inventeur du concept de monopole radical (lorsqu’un moyen technique est ou semble trop efficace, il crée un monopole et empêche l’accès aux moyens plus lents, comme les autoroutes vis-à-vis de la marche à pied par exemple).
Illich est partisan d’une déscolarisation de la société industrielle. Il considère en effet l’école comme une pollution sociale, nuisible à l’éducation car donnant l’impression d’être seule capable de s’en charger. Afin que cette déscolarisation soit effective, il faudrait imaginer la possible séparation entre l’école et l’État. Les capacités naturelles d’apprentissage de l’enfant, constate Illich, se manifestent en dehors de l’école : ce n’est pas l’école qui apprend à l’enfant à parler, à jouer, à aimer, à sociabiliser, qui lui apporte la connaissance d’une deuxième langue, le goût de la lecture. En substitution aux écoles, Illich préconise de créer des « réseaux de communication culturelle » avec des centres de documentation, et une possibilité d’enseignement mutuel, entre pairs, à égalité, qu’Isabelle Stengers rapproche de l’école mutuelle. À tout âge, il faut permettre le droit d’apprendre et pas seulement d’apprendre quelque chose, mais d’apprendre à quelqu’un d’autre : « le droit d’enseigner une compétence devrait être tout aussi reconnu que celui de la parole »
Le concept d’outil est important dans la critique illichienne de la société industrielle car il décrit le mode de fonctionnement des moyens techniques et institutions. Un outil peut être considéré comme ce qui est mis au service d’une intentionnalité ou comme un moyen pour une fin. Exemples : l’école ou la médecine en tant qu’institutions ; les réseaux routiers. Illich insiste sur la valeur aliénante de ces outils privant l’individu de son autonomie, de son savoir-faire et lui dictant ses besoins. L’outil maîtrise donc l’individu et l’enchaîne au corps social. Il tente une définition de l’outil convivial (« la convivialité »). Pour être convivial ce dernier ne doit pas créer d’inégalité, il doit renforcer l’autonomie de chacun et il doit accroître le champ d’action de chacun sur le réel.
C’est lorsqu’un outil atteint son seuil d’utilisation qu’un effet pervers apparaît : la contre-productivité. Avec ce concept, Illich postule que, lorsqu’elles atteignent un seuil critique (et sont en situation de monopole), les grandes institutions de nos sociétés modernes industrielles s’érigent parfois sans le savoir en obstacles à leur propre fonctionnement : la médecine nuit à la santé (tuant la maladie parfois au détriment de la santé du patient) ; le transport et la vitesse font perdre du temps ; l’école abêtit ; les communications deviennent si denses et si envahissantes que plus personne n’écoute ou ne se fait entendre, etc.

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