Culture du jetable

Les réflexions partagées ici nous ont été transmises par Philippe Vachette, fondateur de Trivalor, déchetterie solidaire dans la région de Chambéry.

Les déchets et la dérive du jetable

Dans l’encyclique « Laudato si », le Pape François commence par la pollution, puis aborde le thème des ordures, ce qui l’amène à s’emparer de la culture du jetable, un thème qui reviendra à plusieurs reprises pour stigmatiser l’un des aspects les plus caractéristiques et délétères de nos sociétés (1) .

Une des matières les plus emblématiques de cette culture du jetable, sont les polyméres plastiques ou plastique. On utilise souvent ce terme au singulier et on crie maintenant dans les médias « Haro sur le plastique », désigné comme responsable et symbole des dérives de nos sociétés de gaspillage. Or les polyméres sont de formidables avancées technologiques par les performances et les polyvalences de leurs usages dans tous les secteurs de la civilisation occidentale ! L’énorme problème paradoxal qu’ils posent, c’est que leur facilité de production en masse et leur faible coût en font l’idéal et le parangon du déchet jetable , à usage unique ! C’est essentiellement de ces plastiques à très bas cout (emballages le plus souvent) que viennent ces pollutions visuelles et surtout maritimes qui nous scandalisent, mais dont nous sommes les complices. Les dogmes néolibéraux ont réussi, en moins de 50 ans, à imposer au quotidien les objets et emballages à usage unique faits le plus souvent de divers plastiques, tout en ayant supprimé tout système de retour ou de consigne de ces emballages.

Et le plus grave est que cette culture du jetable a facilement contaminé des pans entiers de la société, bien au delà de la restauration ou de la grande distribution : le médical et le secteur hospitalier, par exemple, sont totalement déformés par cette pratique de l’usage unique, alors que de nombreuses alternatives modernes existent pour un réemploi de moyenne ou longue durée (on voit maintenant des instruments de chirurgie en acier de qualité – ciseaux, écarteurs – …à usage unique !).

Ce mépris du recyclage systématique, base de l’économie circulaire, peut annuler des efforts méritoires des concepteurs de produits grand public : par exemple, la Twingo de Renault a été spécialement « éco-conçue » pour que ses principaux sous-ensembles en plastique soient à la fois homogènes, donc recyclables, et très facilement démontables quand on détruit le véhicule en fin de vie. Or, à ce jour, comme le lobby automobile a réussi à bloquer l’obligation de déconstruction des véhicules en fin de vie, ces Twingos, en un coup de grue, finissent dans un broyeur (et au mieux on a enlevé leurs roues et vidangé les fluides restants).

On peut prendre également l’exemple des piles et batteries qui équipent un nombre croissant de nos multiples assistants domestiques (ces centaines d’esclaves que chacun de nous a à ses ordres, selon la très pertinente comparaison de J-M. Jancovici) .

On sait tous que les composants de ces piles sont soit des métaux polluants (plomb) dont certains vont manquer sur terre à brève échéance (comme le zinc), soit des solutions ou substrats chimiques dont la dispersion dans la nature est très polluante. Or à ce jour, nulle part dans les grands pays d’Europe le retour de ces piles/batteries – qu’on sait bien traiter en recyclage – n’est rendu obligatoire, par un systéme de pénalité financière si on ne rapporte pas au lieu d’achat de la neuve, la pile usagée.

Là encore la dérive du meilleur – par exemple ces polymères aux propriétés multiples et formidables – a engendré le pire : le « 6eme continent » – six fois la superficie de la France sur 30 m de profondeur – dans le Pacifique Nord est très majoritairement fait de gros plastiques et bien plus grave d’une immense masse flottante entre deux eaux de micro-déchets polyméres fragmenté et pré-décomposés qui intoxiquent toute la riche faune marine !

(1) (LS 22) Ces problèmes sont intimement liés à la culture du déchet qui affecte aussi bien les personnes exclues que les choses, vite transformées en ordures. Le système industriel n’a pas développé, en fin de cycle de production et de consommation, la capacité d’absorber et de réutiliser déchets et ordures. On n’est pas encore arrivé à adopter un modèle circulaire de production qui assure des ressources pour tous comme pour les générations futures, et qui suppose de limiter au maximum l’utilisation des ressources non renouvelables, d’en modérer la consommation, de maximiser l’efficacité de leur exploitation, de les réutiliser et de les recycler.

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