Bullshit job

Bullshit job. Sentiment très subjectif et pourtant largement partagé par une jeune (et moins jeune) génération arrivant sur le marché de l'emploi.

Avant d'expliquer la notion de bullshit job, sans doute une litanie de questions sans réponse face à certains emplois futiles est-elle plus parlante qu'une plate définition.

Retour d'experience

« Que se passe-t-il donc de travers? J’ai poursuivi de belles études. J’ai fait les efforts demandés. J’ai suivi les conseils de mes parents, de mes enseignants et de mes éducateurs. J’ai poursuivi les stages requis. Maintenant, c’est mon premier emploi. Je rentre sur le « marché du travail » comme dirait l’autre. C’est mon heure, celle de m’élancer, de prendre mon envol, de poursuivre mes ambitions, de partir à la conquête du monde. Pourtant j’ai un mauvais pressentiment, un malaise indicible et omniprésent : celui du vide. »

Nombreux sont ces jeunes professionnels qui après avoir poursuivi un parcours sans faute ne veulent pas d’une carrière toute tracée avec bon salaire et bonne position sociale.

« Oui c’est bien payé, oui c’est clinquant sur un CV. Pourtant j’ai appris à l’école que le réchauffement climatique était une réalité qui allait marquer toujours davantage ma génération et celle de mes enfants. M’a-t-on appris à compter, à écrire, à réfléchir et à développer mon esprit critique pour estimer que cette couleur bleue pastel sera plus attrape l’œil que ce rouge pâle sur ma propale ? Suis-je sûr que je n’ai que ça à faire que de pondre des power points qui évaluent les best practices pour vendre des bouteilles d’eau, et que personne ne lira ?

Pourquoi tout le monde parle franglais autour de moi alors qu’il existe des mots français pour décrire la même situation ? C’est risible ! Moi, je n’aspire qu’à une chose, à la liberté, à l’amour, au bonheur, à mettre mes talents au service de ce monde qu’on dit si malade. D’ailleurs, est ce que mon travail sert vraiment le monde ? Non. Le système n’a pas besoin de moi pour fonctionner. Je ne suis qu’un de ses innombrables et insignifiants boulons. Malheureusement, j’ai beau le critiquer ce système, comment ferais-je sans lui ? D’où viendrait mon argent, mon alimentation, mon logement, mon crédit, sans « le système »? Ca me met si mal à l’aise. Je me sens dépendant et sans ressource. Pulvérisé, sans capacité d’action.

Pourtant je le vois chaque jour, ce monde qui s’effrite. Crise sociale, feux gigantesques et déviances autoritaires semblent être le lot commun de l’air du temps. Avant c’était dans les médias, maintenant c’est sous mes fenêtres. J’ai emménagé à Paris en 2017 dans un deux pièces que je paye 850 euros par mois. Depuis, j’ai assisté aux gilets jaunes qui ont cassé la banque à l’angle de la rue. Les blacks blocks ont crevé les pneus de la voiture des voisins. J’ai participé aux marches pour le climat qui ont le mérite d’exister et que j’ai filmé avec mon Iphone X. Servent-elles seulement à quelque chose ? J’ai étouffé sous les toits lorsqu’il a fait 45 degrés en juillet. Je suis resté confiné chez moi pendant 2 mois au printemps 2020. Déjà avant, j’avais vu ma vie sociale perturbée par des grèves illimitées de la SNCF après un conflit social interminable au sujet des retraites, dont je sais que je ne les toucherai pas !

Non, ce monde ne tourne pas rond. Je ne le constate plus seulement derrière l’écran de mon smart phone. Ce n’est pas que le « futur de nos enfants » comme le disent la larme à l’œil ces députés qui dans le « même temps » ne font pas interdire le glyphosate sous la pression des lobbies. C’est maintenant, tout de suite, et déjà pesant.

Est-ce moi qui suis fou dans ma solitaire révolte ? Ou suis-je le seul censé, à ne pas trouver ça normal ? Ne pourrais-je pas mettre mon intelligence et mes ressources au service de la société, et de mon bien être d’une autre façon ? Oui, ce n’est pas seulement par pure bonté que je pense cela, je pense aussi à ma propre survie. Tout cela n’a pas de sens et me paraît suicidaire.

L’état de dissonance cognitive profond dans lequel mon travail me plonge me rend sceptique. Suis-je obligé de patienter que nous soyons le week-end pour respirer ? Dois-je seulement attendre les rares moments de mes engagements associatifs pour avoir le sentiment que j’apporte quelque chose au monde ? Pourquoi personne autour de moi ne lève les yeux sur la situation gravissime pour changer les choses ? « Il faut mobiliser nos équipes pour augmenter notre rendement le semestre prochain », disent mes managers. Sérieusement ? Quelle est la valeur de cet objectif au regard des enjeux mondiaux infiniment plus graves qui nous entourent ? Est-ce une funeste mise en scène que ce grand jeu de dupe ? Si ma vie n’en dépendait pas, je pourrais rire de tant de cynisme. »

Définition

Passons désormais à une définition plus traditionnelle du « bullshit job ». Si l’on prend le définition donnée par Wikipédia, « il s’agit d’une expression d’anglais américain signifiant littéralement « emploi[s] à la con ». Elle désigne des tâches inutiles, superficielles et vides de sens effectuées parfois dans le monde du travail. Le terme est apparu sous la plume de l’anthropologue américain David Graeber qui postule que la société moderne repose sur l’aliénation de la vaste majorité des travailleurs de bureau, amenés à dédier leur vie à des tâches inutiles et sans réel intérêt pour la société, mais qui permettent malgré tout de maintenir de l’emploi. Sa théorie, publiée en 2013 et largement médiatisée, suscite de nombreuses controverses sur sa pertinence. Les psychologues du travail ont repris le concept pour décrire la pathologie du travailleur affecté par cette «démission intérieure» encore appelée «brown-out».

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Pour changer de voie et trouver un emploi dans lequel trouver du sens, petit tour d'horizon des plateformes où commencer ses recherches:

  • le Groupe SOS, diverses activités sociales, solidaires, environnementales
  • Enercoop, premier fournisseur d’électricité renouvelable en coopérative
  • Phenix, entreprise de gestion des invendus (notamment alimentaire)
  • Les entreprises B corp, structures à mission sociétale

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